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Independence

15.11.2001

Mal en point, l’économie saura-t-elle tirer les leçons de la crise Swissair?

Mon article pour Le Temps du 15 novembre 2001 Pour Christoph Blocher, leader de l'UDC zurichoise, la débâcle de la compagnie d'aviation nationale est la conséquence directe des connivences entre les grandes entreprises, la Confédération, le Parti radical, economiesuisse et les médias. A l'avenir, pour éviter la répétition des mêmes erreurs, les valeurs entre preneuriales traditionnelles doivent retrouver la première place. Christoph Blocher La débâcle de Swissair coûte cher: des sommes d'argent gigantesques sont englouties et de nombreux emplois perdus. Raison suffisante, pourrait-on penser, pour qu'on veuille en tirer les bonnes leçons. Cela d'autant plus que la chute de Swissair n'est que le dernier exemple en date d'une longue série d'événements similaires qui ont touché les fleurons de l'industrie suisse. Que l'on songe à l'industrie horlogère d'autrefois, à l'ancienne entreprise Saurer, à ce qu'étaient le groupe BBC et l'entreprise Sulzer, à Von Roll, et à différentes banques cantonales, pour ne citer que quelques exemples. A leur origine, toutes ces difficultés ont un dénominateur commun: les liaisons dangereuses entre économie et politique, entre les entreprises et les banques qui leur accordent des crédits, la connivence avec les associations économiques faîtières, le copinage entre l'Etat, les syndicats, les partis politiques et les médias. Swissair était l'incarnation par excellence de ces sinistres recoupements d'intérêts. Derrière une façade flamboyante, derrière les beaux noms de dignitaires connus, la compagnie nationale est trop longtemps parvenue à cacher une mauvaise gestion, une montagne de dettes gigantesque et des stratégies erronées. Cette dérive a pris des proportions qui lui ont finalement été fatales. On prend les mêmes et on recommence Le 22 octobre 2001, des représentants du Conseil fédéral, de l'administration, de l'économie et des banques annoncent aux médias la constitution d'une soi-disant "nouvelle" Swissair. D'un simple coup d'œil, il apparaît d'emblée que les personnes soigneusement alignées les unes à côté des autres sont les mêmes que celles qui ont fait échouer Swissair. Revoilà les banques, et en premier lieu le Credit Suisse (CS), banque attitrée de l'ancienne Swissair, avec Rainer E. Gut, son président d'honneur, qui a siégé pendant vingt et un ans au Conseil d'administration de Swissair et qui porte une lourde part de responsabilité dans les erreurs stratégiques et personnelles qui ont été commises à l'époque. Revoilà aussi Marcel Ospel, président du conseil d'administration de UBS, une banque dans le conseil d'administration de laquelle siégeait Eric Honegger, l'ancien président de Swissair. Et revoilà les politiciens, joliment encadrés par les deux grandes banques: le président de la Confédération Moritz Leuenberger qui, prisonnier des copinages, a négligé de remplir son devoir légal de surveillance et qui, de ce fait, porte une part de responsabilité dans la déconfiture de l'ancienne Swissair. A son tour, le socialiste est joliment encadré par les conseillers fédéraux radicaux Pascal Couchepin et Kaspar Villiger. Comme par le passé, le Parti radical est représenté au plus haut niveau. Bien entendu, le gouvernement zurichois a aussi une nouvelle fois pris place autour de la table: le conseiller d'Etat Rudolf Jeker, membre du comité de l'ancienne Swissair, remplace maintenant son collègue de parti Eric Honegger. L'administration fédérale aussi - laquelle siégeait au conseil d'administration jusqu'en 1995, puis au comité de l'ancienne Swissair, est à nouveau de la partie. Cette fois, elle est représentée par le directeur en personne de l'Administration fédérale des finances, Peter Siegenthaler (PS), qui incarne l'accès le plus direct aux fonds de la Confédération. Les copains d'abord Les journalistes sont à plat ventre devant cette alignée de petits copains et écoutent religieusement leurs discours, visiblement soulagés. Le lendemain, ils vont célébrer dans leurs journaux ce groupe de vieux camarades en évoquant "un nouveau partenariat" et "un rapprochement exemplaire entre l'économie et l'Etat". Bien entendu, sur le podium, on justifie cette intervention collective par le patriotisme et le bien général pour mieux en camoufler l'enjeu véritable: dissimuler les erreurs que les intéressés ont eux-mêmes commises par le passé et sauver leur propre "image". Il faut prendre des décisions urgentes, et cela tombe bien. De cette manière, il ne reste que peu de temps pour réfléchir et encore moins pour des décisions vraiment démocratiques. La devise salvatrice a maintenant pour nom droit d'urgence. L'argent des contribuables est versé en masse, mais en douce, sans que le parlement se prononce. L'accord est donné par la petite Délégation des finances qui, par le plus heureux des hasards, est présidée par le conseiller national radical Erich Müller, lequel est membre du comité du CS. Ode aux manigances La majorité des journalistes, qui avaient déjà chanté la gloire de l'ancienne Swissair, fait maintenant l'éloge de la nouvelle. Le 6 juin 2000 déjà - à une époque où la mauvaise gestion de Swissair était déjà manifeste -, le rédacteur en chef de la NZZ avait fait, dans une halle de l'aéroport de Zurich, l'éloge de son "cher Hannes", à savoir le président sortant de Swissair Hannes Goetz. Il avait notamment évoqué le don de son collègue du Parti radical et membre du conseil d'administration de la NZZ "de réfléchir de manière stratégique et d'accorder sa confiance aux collaborateurs qui le méritaient à tous les échelons" - il entendait sans doute aussi par là Philippe Bruggisser! Et le rédacteur en chef de la NZZ de célébrer en son Hannes "un Plutarque suisse du premier siècle du troisième millénaire", dont "l'entrée dans la galerie des grands entrepreneurs et des Suisses qui comptent devrait être sérieusement envisagée". Qui s'étonnera, dans ces conditions, que le rédacteur en chef du Tages-Anzeiger n'ait pas voulu être en reste lorsqu'il a commenté la naissance de la nouvelle Swissair? Le 23 octobre 2001, il se montre ravi du nouvel éclat pris par l'ancien groupe de petits copains, lequel offre une "image à la grande signification symbolique", une "image qui suscite des espoirs". La presse Ringier aussi, bien entendu, se montre euphorique. N'avait-elle pas, au moyen de campagnes nationalistes de mauvais goût, empêché que les changements nécessaires soient apportés à l'ancienne Swissair? La trahison des milieux économiques par une association économique "Vorort", tel était le nom de l'association faîtière de l'économie suisse jadis crainte par la Berne fédérale, où elle jouissait du plus grand respect. Cédant à la mode des changements de noms, elle s'appelle maintenant economiesuisse. Selon ses statuts, cette dernière est tenue de défendre "les principes d'un régime libéral et d'économie de marché" ainsi que "la compétitivité de l'économie suisse et de ses entreprises". Le 16 octobre 2001, economiesuisse annonce que "les milieux économiques" acceptent formellement la participation de l'Etat dans Swissair et qu'ils sont prêts à renoncer à la réduction de l'impôt sur les entreprises. Je ne peux m'empêcher d'avoir à l'esprit la saisissante représentation donnée par Leonard de Vinci de "la Cène": à la place des douze apôtres, je vois autour de la table les treize membres de la direction d'economiesuisse. Mais, contrairement à la peinture de Leonard de Vinci, il n'y a pas qu'une seule personne à tenir entre ses mains une petite bourse remplie de pièces d'argent: c'est le cas pour plus de la moitié des convives. Pourquoi cette trahison? La réponse est vite donnée, car une fois de plus on retrouve l'infatigable bande des petits copains: le président d'economiesuisse est Andres F. Leuenberger, conseiller d'administration de Swissair; Marcel Ospel, président de UBS, la deuxième banque attitrée de l'ancienne Swissair et l'actionnaire principal de Crossair, est à nouveau assis autour de la table; Mario Corti, on le sait, était le président du conseil d'administration de l'ancienne Swissair, celui qui a spontanément remboursé aux banques un milliard de crédits dans les mois qui ont précédé l'insolvabilité de Swissair; Riccardo Gullotti est membre du comité de Swissair. Ici aussi, le Parti radical est bien représenté, notamment par Ueli Forster, le président désigné d'economiesuisse - il est l'époux de la conseillère aux Etats radicale Erika Forster -, et par le conseiller national Schneider-Ammann. En acceptant des impôts élevés, l'association faîtière de l'économie suisse s'est couverte de ridicule, ce qui remet sérieusement en cause sa raison d'exister. Un socialiste influent m'a déjà dit en se frottant les mains: "Qu'ils ne viennent plus jamais demander une baisse d'impôts!" En 2002, avec la bénédiction d'economiesuisse, une famille moyenne de quatre personnes paiera en ville de Zurich via la Confédération, le canton, la commune et la banque cantonale pas moins de 5900 francs pour le fiasco de Swissair. Mais cela n'a rien de nouveau: ces dernières années, economiesuisse a activement soutenu pratiquement toutes les décisions visant à étendre les activités de l'Etat ou à piller le porte-monnaie des entreprises et des citoyens. Les comités? Du copinage institutionnalisé! Tant Swissair que le CS ont créé, à côté de leur conseil d'administration, un comité. Un gros actionnaire du CS a qualifié ces comités de "lieux de corruption". Et au CS, en effet, sans prendre le moindre risque, sans aucune responsabilité et sans apporter de connaissances spécifiques, une personne qui siège au comité touche 120'000 francs par an. Au comité du CS siègent par exemple les deux conseillers nationaux radicaux Erich Müller, de l'ancienne équipe des petits copains de Sulzer, et Felix Gutzwiller, spécialiste en médecine préventive. Ce dernier est très engagé en faveur de la Fondation de solidarité, censée réparer avec la fortune nationale les erreurs des grandes banques. Brigitta Gadient (UDC), peu connue pour ses compétences bancaires, est aussi membre du comité du CS. De sorte que, en fin de compte, tous les espoirs reposent sur le conseiller national Melchior Ehrler (PDC), que le CS présente sous le titre accrocheur de "Director Swiss Farmer's Association, Brugg". Le comité du CS est présidé par l'ancien président de l'aéroport de Zurich, Ueli Bremi (PRD). Le vice-président est Urs Lauffer, chef du groupe radical au Conseil communal zurichois, qui aime à se qualifier de "politicien social". Son principal métier consiste à redorer le blason de patrons déchus dont il s'applique à maquiller les erreurs de management. D'entente avec le PS, ce radical bloque un allégement substantiel des impôts en ville de Zurich. Dans le canton de Zurich aussi, sous la pression de leur groupe et d'entente avec le PS, les radicaux ont cautionné le versement de l'argent des contribuables - 300 millions - pour Swissair, permettant ainsi de décharger les responsables radicaux impliqués dans la débâcle. Que faire? Il faut éviter que l'économie nationale subisse d'autres dommages. Les dégâts se chiffrent déjà en milliards de francs et conduisent à la perte de dizaines de milliers d'emplois C'est pourquoi il faut mettre au jour ces intérêts croisés et les trancher. Un entrepreneur sait parfaitement que la responsabilité n'est pas quelque chose qui se partage. Il faut redonner tout son sens au principe selon lequel la prise de risques revient à l'entreprise. On ne peut tolérer que des entreprises privées délèguent à l'Etat, c'est-à-dire à des contribuables qui n'ont aucun moyen de se défendre, un risque collectif que les vrais responsables n'ont dès lors plus à assumer eux-mêmes. Il faut renoncer à faire siéger dans les conseils d'administration, en les payant grassement, des gens dont le seul mérite est d'avoir un nom connu et de siéger dans de nombreux autres conseils d'administration. La prospérité d'une entreprise doit dépendre de la qualité de ses produits et du sérieux de ses performances et non des relations croisées dont elle profite ou du soutien de l'Etat. En lieu et place de stratégies globales grandiloquentes et de "visions", il faut replacer au centre des préoccupations la compétence entrepreneuriale. D'une manière générale, il faut absolument éviter qu'une banque qui accorde un crédit à une entreprise soit représentée dans le conseil d'administration de cette entreprise. Les comités à composante politique corrompent aussi bien les entreprises que les milieux politiques. Il faut les supprimer. Les éditeurs seraient bien inspirés de faire en sorte que leurs journalistes s'attachent à décrire la réalité et fassent preuve de sens critique dans leurs questions et commentaires. Les campagnes de presse idéologiques, à caractère missionnaire ou moralisateur rendent aveugles face aux vrais dysfonctionnements. Economiesuisse doit à nouveau prendre au sérieux sa tâche, qui est de veiller au respect des règles de l'économie de marché libérale. Son rôle est de dresser une barrière qui protège l'économie de marché et de combattre toutes les tentatives de l'Etat d'étendre ses activités. Si elle n'a plus la force de remplir cette mission, on peut sans regrets se passer d'une association économique devenue impuissante. L'état n'a pas à intervenir dans une économie libre. Ses ingérences provoquent une distorsion de la concurrence, contribuent à maintenir des structures dépassées, ce qui diminue la prospérité et détruit des emplois. Lorsque l'Etat remplit une tâche de surveillance, comme c'est le cas pour le trafic aérien, il ne doit collaborer sous aucune forme à la direction de l'entreprise soumise à surveillance, ni entrer dans son actionnariat. Il n'est pas possible de se surveiller soi-même, car personne n'est capable de servir deux maîtres à la fois!

05.11.2001

La débâcle de Swissair rappelle les pratiques de l’URSS

Interview dans Le Temps du 5 novembre 2001 Dans une interview commune au "Temps" et à l'"Aargauer Zeitung", le conseiller national UDC et entrepreneur Christoph Blocher s'exprime sur Swissair, la crise économique, l'Afrique du Sud et l'UDC en Suisse romande. Marc Comina et Othmar von Matt Christoph Blocher, en observant le triste spectacle qui se joue autour de Swissair/Crossair, vous devez vous frotter les mains?   Christoph Blocher: Non, je suis en colère. Le copinage et les erreurs de management ont ruiné Swissair. Et le même cercle de petits copains construit maintenant sur le dos des contribuables une compagnie d'aviation surdimensionnée et à moitié étatique.   La confusion règne: personne ne sait combien d'argent il faudra, et personne ne prend vraiment la responsabilité de l'ensemble.   Blocher: La Confédération et les cantons possèdent ensemble 38% de la nouvelle compagnie. Les collectivités publiques sont ainsi de facto propriétaires. C'est un tonneau sans fond. Après les CFF, voilà une deuxième société déficitaire, mais plus gravement encore. La Confédération ne pourra pas se débarrasser de la nouvelle compagnie si rapidement; le contribuable va payer sans fin. Le seul crédit de transition jusqu'en mars 2002 coûte 2000 francs par habitant. De cette manière, on affaiblit la Suisse.   Vous aviez donc raison de tirer la sonnette d'alarme?   Blocher: Oui, mais ce n'est pas ce qui compte. Il faut préciser deux choses. Premièrement, l'insolvabilité d'une entreprise est toujours un événement dramatique, qui se fait au détriment de nombreuses personnes: il n'y a que des perdants. Dans une telle situation, il faut savoir garder la tête froide. On n'a pas su le faire, et les dégâts sont donc considérables. Et deuxièmement, il est très décevant de constater que Swissair n'avait pas, il y a plusieurs mois en arrière, préparé un sursis concordataire en bonne et due forme. Cela reste pour moi incompréhensible. Un entrepreneur ne peut tout de même pas, un dimanche soir, tout à coup, se rendre compte qu'il lui manque 4 milliards.   Mario Corti pense que, sans le 11 septembre, Swissair pouvait être sauvée.   Blocher: Non. Swissair avait accumulé une dette gigantesque de 15 milliards. C'est un fait. Un sauvetage aurait coûté 6 à 7 milliards à fonds perdus et 11 milliards pour la recapitalisation. Ces chiffres datent d'avant le 11 septembre. Naturellement, le terrorisme aurait aussi frappé une compagnie en bonne santé. Mais pas mortellement.   Vous critiquez le copinage...   Blocher: Si Swissair est devenue un symbole intouchable, c'est à cause d'un sinistre copinage entre politique, Confédération, cantons, associations économiques, multinationales et le Parti radical. Swissair était un temple, un dieu, une idole. Il est intéressant de noter que, depuis avril 2001, Swissair a de son plein gré remboursé aux banques 1 milliard. Le Credit Suisse (CS) a ainsi pu faire savoir qu'il n'avait plus que 150 millions d'engagements à risque.   Rien d'étonnant à cela: Lukas Mühlemann est à la fois directeur et président du conseil d'administration du CS, et il était membre du conseil d'administration de Swissair.   Blocher: Cela montre de quelle incroyable manière les intérêts se recoupent: les banques créditrices siégeaient aussi au conseil d'administration de Swissair. C'est toujours une erreur. Les banques ont d'autres intérêts que l'entreprise. Au total, les banques se retrouvent ainsi avec 1 milliard en moins d'engagements à risque. C'est bon pour les banques, mais pas pour Swissair.   Peut-on parler de "délit d'initiés"?   Blocher: Le CS a toujours affirmé que ce n'était pas Mühlemann qui accordait les crédits. C'est une illusion. Quel employé de banque peut étudier de manière indépendante la demande de crédit d'une entreprise si son boss siège précisément au conseil d'administration de cette entreprise? Mais le CS n'était pas seul au conseil d'administration de Swissair, UBS y était aussi.   Le rôle décisif a-t-il été joué par le CS?   Blocher: Pas uniquement le CS. Eric Honegger siégeait au conseil d'administration de UBS. Vreni Spoerri et Thomas Schmidheiny étaient aussi au conseil d'administration du CS. Andres F. Leuenberger était président d'economiesuisse. C'est un effroyable réseau de petits copains.   Cela continue: Rainer E. Gut, le nouvel homme fort, est président d'honneur du CS.   Blocher: Ce n'est pas tout. Rainer E. Gut a représenté les banques pendant vingt et un ans au conseil d'administration de Swissair. Dans les années décisives, il siégeait au comité. Lukas Mühlemann lui a succédé. Le prochain président viendra-t-il aussi du même cercle?   Lukas Mühlemann a-t-il encore sa place au CS?   Blocher: C'est aux actionnaires du CS d'en décider. Comme il n'a laissé que 150 millions dans l'affaire Swissair, il a bien travaillé pour le CS.   Mais pas pour Swissair. Sa crédibilité en a beaucoup souffert.   Blocher: C'est précisément le problème: Mühlemann devait prendre simultanément la défense de deux entreprises aux intérêts divergents. Ce n'est pas possible.   Le CS semble être la plaque tournante de la débâcle de Swissair.   Blocher: Tout porte à le croire. C'est clair. Swissair illustre de manière emblématique les désastres auxquels mène le copinage. Tout se faisait sous un même couvercle, personne n'osait critiquer, les journalistes pas plus que les autres. Quand la débâcle est arrivée, elle a provoqué une explosion: l'insolvabilité. Sur le plan politique, ce n'est pas différent. Il y a une ressemblance évidente avec l'Union soviétique.   C'est vous qui affirmez cela: la Suisse ressemble à l'Union soviétique?   Blocher: Non, pas la Suisse. Les dysfonctionnements chez Swissair ressemblent à ceux de l'Union soviétique: tous les milieux se tiennent, la critique n'est pas autorisée et en fin de compte tout s'écroule.   L'effondrement total aurait pu mettre 50 000 personnes au chômage.   Blocher: Quelle bêtise! Vous adoptez sans sourciller la version officielle. Bien sûr que la disparition d'une entreprise est quelque chose de terrible. Mais tout le monde ne devient pas chômeur. Jusqu'à tout récemment le marché du travail était asséché. En outre, plusieurs sociétés annexes n'étaient pas à cours de liquidités. Les activités aéroportuaires seront poursuivies par d'autres sociétés. Et Crossair a les moyens de s'en sortir.   Pour vous non plus, les conséquences d'une débâcle totale n'étaient pas prévisibles.   Blocher: Si. Mais, dans ce cas, il fallait éviter que le chaos ne dure. C'est pourquoi l'UDC ne s'est pas opposée au versement des 450 millions par la Confédération après le blocage des avions au sol, afin de permettre le rapatriement des passagers et de remettre de l'ordre dans la maison.   Et qu'auriez-vous fait ensuite?   Blocher: J'aurais pris garde que la Suisse conserve de nombreuses bonnes liaisons aériennes et que l'Etat ne verse plus d'argent.   Cela n'aurait pas été facile.   Blocher: Il y a des centaines d'avions que d'autres compagnies aériennes souhaiteraient voir atterrir en Suisse. Surtout aujourd'hui que la concurrence est si forte.   Après le blocage des avions au sol, la population était très inquiète, craignant la fin du modèle suisse.   Blocher: Il faut dire la vérité à la population, même quand elle est désagréable. C'est ce qu'a fait l'UDC. Depuis, quatre semaines se sont écoulées et l'opinion s'est retournée. Maintenant, les gens y voient clair.   Swissair joue un rôle important pour l'image de la Suisse à l'étranger. Cette image est-elle en danger?   Blocher: En sauvant Swissair, on ne sauve ni la substance ni l'image de la Suisse. La Suisse dispose d'une excellente réputation. Pour l'instant du moins.   Pour l'instant seulement? A plus long terme, cette image vous paraît en danger?   Blocher: Cela commence déjà sur le plan politique. Si la Suisse veut être active dans toutes les organisations internationales, nous allons au-devant d'un nivellement de la Suisse par le bas. La Suisse veut jouer dans la cour des grands. SAirGroup aussi était adepte de la folie des grandeurs. Elle voulait être un Global Player. Drôle de mot. Une entreprise n'est pas un joueur ("player"). Les joueurs ne sont pas des gens sérieux. Les entreprises suisses ont une réputation de sérieux. L'aéroport de Zurich devait devenir le quatrième aéroport d'Europe en importance. Ce n'est pas suisse. Grandeur et quantité à des prix plancher? Cela ne correspond pas à notre réputation de qualité.   Personnellement, vous maîtrisez cependant parfaitement les règles du jeu de la globalisation.   Blocher: Les règles du jeu du commerce international. Mais toujours en tant qu'exception (Sonderfall).   Votre entreprise n'est pas une exception.   Blocher: Si. Par rapport aux entreprises comparables dans le monde, Ems Chemie est un nain. Comment réussissons-nous à survivre? En faisant les choses autrement. Si je voulais copier BASF ou General Electric, ce serait ma perte. Mais je touche du bois. Un entrepreneur a toujours aussi peur du succès, parce qu'il peut malgré tout commettre des erreurs.   A vous entendre, il faut se préparer à des temps difficiles.   Blocher: Extraordinairement difficiles. Le fait que - pour résumer grossièrement - trois terroristes armés de trois canifs puissent mettre à genoux la puissante Amérique a profondément désorienté le monde. Que font les entreprises dans une telle situation? Elles freinent, écoulent leurs stocks, thésaurisent. L'économie va traverser une période où sa survie est en jeu. Ce qui n'a pas que des conséquences négatives.   Par exemple?   Blocher: Durant les années de haute conjoncture, il y a des gens qui jetaient des programmes informatiques sur le marché et devenaient instantanément millionnaires. Tout se vendait. Je me suis souvent demandé si, avec mes 3000 employés, nous faisions quelque chose de faux, puisque nous travaillions dur du matin au soir.   La bulle a explosé. Est-ce que cela signifie le retour à un travail plus sérieux?   Blocher: J'en suis convaincu. En périodes de récession, le sérieux reprend le dessus. L'être humain se tourne à nouveau vers ce qui est solide, ce qui a fait ses preuves. Il est bon qu'il en soit ainsi. Les gens veulent y voir clair. Je m'en suis aperçu récemment à Düsseldorf lors d'une des plus grandes foires internationales consacrées au plastique. De nombreux vendeurs n'étaient manifestement pas à leur place: les clients sentaient immédiatement que derrière le bruit et la fumée, il ne restait que du bluff. On pouvait littéralement palper le désir des gens pour de bons produits.   Comment jugez-vous le management de la crise Swissair par le Conseil fédéral? Par exemple de la part du président Moritz Leuenberger?   Blocher: Moritz Leuenberger se sent toujours profondément touché par ce qui arrive. Mais lorsque la sensibilité domine, on ne trouve pas de bonnes solutions. La sensibilité ne peut pas remplacer la prise de décisions.   Et Kaspar Villiger?   Blocher: Je ne veux pas porter de jugement sur chaque membre du gouvernement. En libérant ces montants, l'ensemble du Conseil fédéral a perdu la tête. En son for intérieur, Villiger sait que c'est une erreur.   Il a tout de même fait preuve de courage.   Blocher: Il n'a pas résisté à la pression. C'est pourtant aussi une tâche de l'Etat que de savoir dire non aux sollicitations. Mais Villiger a ouvert tout grand les écluses. De surcroît, il s'est mis lui-même à la recherche d'investisseurs. C'est une attitude très discutable.   Il vous a aussi demandé de l'argent.   Blocher: Oui. Mais je suis capable de dire non. Ces investisseurs viendront un jour présenter l'addition en espérant obtenir un traitement de faveur.   Quelles sont les conséquences du 11 septembre pour la votation sur l'ONU?   Blocher: Les gens ouvrent les yeux. L'ONU n'est pas un club inoffensif. Tous les membres de l'ONU, y compris l'Afghanistan et l'Arabie saoudite, condamnent le terrorisme. Pourtant c'est là qu'il existe et se développe. On voit à quel point il est dangereux de ne pas être neutre: on peut être entraîné dans un conflit. Bien entendu, la Suisse aussi s'oppose au terrorisme. Nous devons nous en protéger et faire en sorte qu'aucun terrorisme ne se développe depuis la Suisse. Mais nous voulons tout de même réfléchir par nous-mêmes. Si nous étions dans l'ONU, nous pourrions être obligés de prendre des sanctions contre l'Afghanistan.   Face au terrorisme, on ne peut cependant pas rester neutre.   Blocher: Face au terrorisme, on n'a pas à rester neutre. Le terrorisme est une forme de combat, ce n'est pas un parti ni un Etat. Le concept de neutralité vaut entre les Etats.   Les pressions américaines pourraient augmenter massivement si l'on découvre en Suisse des comptes de terroristes.   Blocher: Il ne faut pas qu'il y ait des comptes de terroristes en Suisse. Mais cela concerne aussi l'UÇK. Le concept de neutralité perpétuelle est plus actuel que jamais.   Les pressions montent contre la Suisse à cause de ses relations passées avec l'Afrique du Sud. Vous aussi avez des relations sud-africaines. Vous étiez président de l'ASA (Arbeitsgemeinschaft Südliches Afrika).   Blocher: Je l'ai cofondé. Ce groupe de travail ne couvrait cependant pas l'Afrique du Sud mais l'ensemble du sud de l'Afrique. Pendant la guerre froide, c'était une région d'une extrême importance stratégique. Nous avons fondé l'ASA pour analyser la situation. Il ne s'agissait pas d'une organisation économique.   Ems-Chemie a-t-elle fait des affaires avec l'Afrique du Sud?   Blocher: Non, car il n'y avait pas d'entreprises qui avaient besoin de nos produits. J'ai visité le pays pour la première fois en 1987. L'ASA n'était pas pour l'apartheid; nous pensions cependant que c'était le pays lui-même qui devait l'abolir. Mon meilleur souvenir avec l'Afrique du Sud remonte à une visite en Suisse du ministre Willem De Klerk à l'époque où Pieter W. Botha, qui défendait l'apartheid, était encore en place. Le Conseil fédéral s'était refusé de le recevoir. Alors j'ai pris la relève. De Klerk disait à l'époque qu'il mettrait un terme à l'apartheid. Quand il a succédé à Botha à la présidence, c'est ce qu'il a fait.   Les relations entre Peter Regli et les services secrets sud-africains doivent-elles faire l'objet d'une enquête?   Blocher: Oui, bien sûr. C'est ce que fait Samuel Schmid. Les services de renseignements ne doivent faire que ce qui est permis.   Faut-il instaurer une commission d'enquête parlementaire?   Blocher: Ça non. Mais si le parlement en veut une, qu'il l'ait.

23.09.2001

La fin des illusions romantiques

Interview dans Le Matin du Dimanche, 23 septembre 2001 Le leader de l'UDC défend plus que jamais la neutralité. Il a répété cette semaine son refus d'adhérer même à l'ONU. Il estime que les attentats lui donnent raison dans son approche égoïstement assumée de la défense de la Suisse. Interview d'un réaliste brutal. Propos recueillis par Michel Zendali et Ludovic Rocchi Sommes-nous tous des Américains?   Blocher: Non, je suis Suisse, et les Américains sont des Américains. Nous partageons depuis longtemps avec eux nos valeurs démocratiques de liberté. Mais je n'aime pas leur manière de croire que seul les superlatifs comptent. Je me suis toujours méfié de la centralisation du pouvoir, à l'image de ces tours du World Trade Center - quel nom! -, dans lesquelles je n'ai jamais voulu mettre les pieds en allant à New-York. Tout comme je n'ai jamais voulu aller au Forum de Davos.   Seriez-vous devenu antiaméricain et contestataire de la mondialisation?   Blocher: Non, mais je partage le désarroi de ceux qui se méfient de la mondialisation. Toute ma politique a toujours été dirigée contre la tendance à laisser une poignée de dirigeants gouverner nos destinées. Il faut fractionner le pouvoir, pour que le contrôle par le peuple reste possible. C'est le modèle suisse, même si je n'aime pas tout non plus en Suisse.   Avez-vous peur de l'onde de choc du 11 septembre?   Blocher: J'avais d'avantage peur auparavant de la naïveté, du romantisme de ceux qui croyaient que depuis la chute du mur de Berlin le monde allait baigner dans une joyeuse fraternité et l'absence de conflits. Ce brutal retour à la réalité fait que j'ai par exemple moins peur de prendre l'avion qu'avant, car des mesures seront prises et il n'y aura certainement plus de possibilités d'actes terroristes à ce niveau. Quand notre président Moritz Leuenberger a parlé d'une catastrophe " apocalyptique ", je me suis dit qu'il avait perdu la tête. Ce n'est pas la fin du monde. Et si on se met à dire que ces événements sont incompréhensibles, comment voulez-vous en prévenir d'autres?   Il faut donc perdre nos illusions d'un monde meilleur?   Blocher: Les hommes n'ont pas changé. Nous ne sommes pas fondamentalement bons. Le monde a toujours été dur et il le reste. Il faut se battre du matin au soir, travailler dur, comme je le fais et comme mes parents l'ont fait avant moi. C'est la vie et la loi de l'économie de marché dans laquelle nous évoluons et qui apporte tout de même des avantages à toujours plus de gens. C'est la Bible qui le dit: "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front". Ce n'est pas une vision pessimiste de l'humanité.   Le 11 septembre oblige chacun à revoir son approche de la sécurité. Pas vous?   Blocher: Ces attentats finissent de prouver que le concept de guerres entre Etats n'est pas le seul scénario. On le sait depuis longtemps, mais on n'y croyait pas: Le vrai danger concerne les risques de déstabilisation intérieure, les nouvelles formes de guerres civiles, ce qui vient d'arriver aux Etats-Unis. Je n'avais cependant pas imaginé que les méthodes meurtrières des terroristes puissent devenir aussi sophistiquées. A l'époque, quand j'évoquais le danger en Suisse représenté par la présence de l'UCK, la guérilla albanaise, on se moquait de moi en disant que Blocher était une fois de plus contre les étrangers.   Vous revendiquez un autre concept de défense. Comment expliquez-vous que votre parti ne vous a même pas suivi cette semaine dans la contestation du programme d'armement devant le Parlement?   Blocher: Je n'ai pas cherché à entraîner mon parti. Il fallait donner un signal et j'étais le seul à pouvoir le faire. Pour mes collègues, il est délicat face à leurs électeurs d'être associé à la gauche, qui contestait elle aussi ce programme mais avec le but de supprimer l'armée. J'ai donc pris sur moi de montrer au Conseil fédéral et à l'armée que nous ne sommes plus d'accord de leur donner tout ce qu'il demande. Seul ce type de pression peut les obliger à enfin corriger le tir dans notre direction.   Pensez-vous sérieusement pouvoir combattre ces nouveaux dangers avec votre concept d'armée de milice, sans coopération internationale?   Blocher: Toute coopération n'est pas exclue. Mais il n'est pas question de s'engager dans une alliance militaire qui, de fait, peut nous entraîner à conduire une guerre. Nous n'avons pas besoin pour être prêt chez nous. Tout comme il faut cessez d'acheter des chars ou s'équiper pour pouvoir collaborer en dehors du territoire suisse avec l'OTAN. Ce qu'il faut, c'est préparer la milice à répondre rapidement à ces nouveaux dangers intérieurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Formons nos soldats près de chez eux, mobilisables rapidement sur le territoire, qu'ils connaissent, un peu comme il y a des pompiers dans chaque village.   Vous reconnaissez vous-même que la priorité doit revenir aux moyens civils (police, renseignements, etc). Mais la neutralité que vous défendez devient un obstacle...   Blocher: Même si elle crée des difficultés, la neutralité nous préserve d'être impliqués dans des conflits à l'étranger. Un petit pays comme le nôtre ne doit en rien se mêler des affaires des grandes puissances qui, à l'image des USA, agissent d'abord dans leurs intérêts. Cette réserve n'empêche en rien de collaborer au niveau civil, ce que nous faisons.   Il faudrait au moins adhérer à Schengen, l'espace de sécurité de l'Union européenne?   Blocher: Non, car plus l'espace à surveiller est grand, moins le contrôle est efficace. Contre le terrorisme et la criminalité, l'abolition des frontières est une erreur. Encore une fois, notre meilleure contribution à la sécurité du monde est de se donner les moyens de lutter chez nous.   Que faites-vous de la nouvelle coalition internationale contre le terrorisme qui se dessine ? La limite avec la neutralité militaire est-elle encore tenable?   Blocher: Cette coalition est plus déclamatoire que réelle. Reste que l'interaction entre moyens civils et militaires est effectivement nécessaire et délicate. Mais même lorsqu' il s'agit de coopération policière ou d'échanges d'informations, il faut que chacun reste responsable des opérations sur son territoire. Sinon plus personne n'est responsable. Il n'est pas possible de soutenir les Américains dans une probable guerre contre l'Afghanistan. Ou alors il aurait aussi fallu les aider à y combattre les Soviétiques. Cessons d'idéaliser notre rôle de petit pays!   Note secret bancaire, lui, a une influence mondiale. Ne faut-il pas l'abolir pour faciliter la traque financière contre le terrorisme?   Blocher: Les moyens de contrôle sont déjà sévères. Avant d'agir, les terroristes apparaissent comme des citoyens tout à fait fréquentables. Il est malheureusement difficile de les piéger. En cas de soupçons, nous sommes suffisamment armés pour bloquer des comptes et poursuivre les gens. Dans ce domaine comme dans les autres, le risque zéro ne peut exister que dans une dictature. J'estime que la liberté doit continuer de primer sur la sécurité.

23.09.2001

Cara ONU, non avrai il nostro sangue

«Il Mattino della domenica» del 23 settembre 2001 Pagina a cura di Flavio Maspoli E' passata al Nazionale l'iniziativa popolare sull'adesione: probabile il voto in marzo, e gli oppositori ad un progetto che piace al solo Consiglio federale stanno già affilando le armi.   Quella di questa settimana è una cena? dello spirito: con Christoph Blocher si parla nel "corridoio dei passi perduti", appena fuori dall'aula del Nazionale, sùbito dopo che una larga maggioranza die deputati ha votato a favore dell'iniziativa popolare per l'adesione all'Onu. Blocher ha appena spiegato la sua posizione senza mezzi termini e con la passione che tutti gli riconoscono.   Il suo è stato un appello accorato e che ha messo non poco in difficoltà il Consigliere federale Joseph Deiss; il quale, tuttavia, ha potuto contare sulla schiera dei fautori del "partito preso", e dunque si è sentito persino in dovere di ironizzare sulle parole del Consigliere nazionale zurighese.     Proviamo a riassumere le ragioni in forza delle quali la Svizzera non deve entrare nell'Onu?   Christoph Blocher: Mi domando se esista un solo motivo per il quale la Svizzera dovrebbe entrare a far parte dell' Onu politica. Facciamo già parte di tutte le sottoorganizzazioni delle Nazioni unite, e paghiamo già oltre 500 milioni di franchi all'anno. Ebbene, adesso c'è chi vuole farci firmare a forza un contratto che attribuirebbe al Consiglio di sicurezza di quell'organizzazione una quantità inverosimile di poteri: la facoltà di imporci l'attuazione di sanzioni economiche e politiche verso questo o quel Paese, la facoltà di imporci l'interruzione dei rapporti con questo o con quel Paese, eccetera. Nel Consiglio di sicurezza siedono le "grandi potenze", quelle che hanno il diritto di "veto"; e noi, una volta che avessimo aderito all'Onu, verremmo trascinati nei conflitti internazionali perdendo automaticamente la neutralità. Allucinante: l'essere neutrali, infatti, significa il non immischiarsi in conflitti internazionali.   Dopo aver seguito il dibattito in Parlamento, però, c'è chi potrebbe avere questa impressione: Christoph Blocher dice il falso, e la ragione sta dalla parte del Consiglio federale.   Blocher: Non so, io non ho avuto l'impressione che il Consiglio federale abbia ragione. Sebbene continui a sbandierare il contrario, il Consiglio federale non vuole più una Svizzera neutrale. Della neutralità del nostro Paese il Consiglio federale si fa scherno? Semmai il Consiglio federale vuole partecipare, viaggiare, saltellare da una conferenza all'altra, infine parlare e chiacchierare senza curarsi dei risultati. Anzi, i risultati sono la minore delle preoccupazioni del nostro Esecutivo. Ma è il Popolo a volere la neutralità, ed a volerla proprio per evitare che i politici possano trascinare il Paese in qualche pasticcio.   Come verrà articolata la campagna in vista della votazione popolare di marzo (questa, almeno, è la data più probabile)?   Blocher: Molto semplicemente: diremo a chiare lettere al popolo svizzero che cosa noi tutti perderemmo entrando a far parte dell'Onu. Ero copresidente del comitato contro l'adesione all'Onu già nel 1986 e, in quell'occasione, il 75 per cento delle cittadine e dei cittadini svizzeri si pronunciò con un "no" all'adesione.   Durante il dibattito parlamentare molti deputati hanno affermato di essere stati contrari all'adesione all'Onu nel 1986, ma di aver cambiato idea, proprio perché i tempi sarebbero cambiati. Quali sono questi cambiamenti, sempre nell'illogica dell'adesione all'Onu?   Blocher: Come detto, nel 1986 ero presidente del comitato contro l'adesione all'Onu e francamente non mi ricordo di aver visto tra i militanti quei deputati che hanno affermato di essere stati contrari allora ma si dichiarano favorevoli oggi. Ricordo invece benissimo il fatto che, già allora, in Parlamento i contrari erano piuttosto isolati. Nemmeno il gruppo dell'Udc era compatto per il "no": a sostenere la "non adesione" eravamo quei pochi "Mohicani"? la maggior parte dei quali, oggi, non è più presente in Parlamento. Oh, sicuro: è possibile che, nel 1986, dietro le nostre quinte vi fosse taluno di quelli che dicono di essere a favore oggi. Di certo so che oggi la pressione da parte della classe politica è molto più virulenta rispetto ad allora, con un tentativo surrettizio di far credere che contrarî all'adesione siano soltanto i sostenitori dell'Udc e della Lega.   Un suo collega ha affermato a chiare lettere in Parlamento quanto segue: alcuni funzionari del Dipartimento federale degli affari esteri avrebbero partecipato attivamente alla raccolta delle firme per l'iniziativa per l'adesione all'Onu.   Blocher: Vero. Non solo: quei funzionari hanno raccolto firme durante le ore di lavoro ed usando i telefoni della Confederazione. Ho ricevuto lamentele da parte di alcuni funzionari che mi hanno testualmente detto di essere stati costretti a raccogliere firme. Ho scritto al consigliere federale Deiss per saperne di più? e per tutta risposta Deiss ha asserito che il raccogliere firme per un'iniziativa è un diritto delle cittadine e dei cittadini. Questa è la realtà in cui ci muoviamo. Nel caso specifico, siamo arrivati al punto che il Consiglio federale ha promosso l'iniziativa, l'ha fatta, ha aiutato a raccogliere le firme attraverso i funzionarî quando si è accorto che l'iniziativa stava per fallire e, "dulcis in fundo", investe milioni di franchi "pubblici" per convincere il Popolo a votare "sì". Questo è il modo in cui, oggi, il Consiglio federale rispetta la democrazia, ed ecco la vera ragione per cui esso vuole entrare a far parte di tutte le organizzazioni internazionali: il Popolo dovrà solo pagare, senza più avere nessun diritto e senza più poter dire la sua.   E che cosa pensa di fare per evitare questo suicidio assistito?   Blocher: Votare e far votare "no" per l'adesione all'Onu.   Da parte nostra, in questo senso, non vi è problema alcuno. Argomento correlato: come valuta gli assalti terroristici agli Stati Uniti?   Blocher: I gravi attacchi agli Usa dimostrano quanto pericoloso sia ormai il mondo. Le chiacchiere secondo cui sarebbe possibile aggredire un Paese solo dopo aver annunciato le proprie intenzioni con largo anticipo non corrispondono in nessun modo alla realtà. Oggi sappiamo che attacchi ed aggressioni possono aver luogo a sorpresa e partire dal Paese stesso, ed è per questo che bisogna stare in guardia. Anche la Svizzera deve prestare parecchia attenzione. Non si dimentichi che qui sono state tollerate a lungo attività terroristiche di gruppi stranieri sul territorio: l'Uck, ad esempio. Non so fino a che punto noi siamo coinvolti nel caso specifico, ma so che queste cose sono da prendersi sul serio. E' allora necessario l'istruire i nostri organi di sicurezza in modo da poter evitare pericoli analoghi. E se, ad onta di ogni sforzo preventivo, azioni terroristiche avessero luogo sul nostro territorio, dovremo essere pronti ad intervenire immediatamente.   Come reagirebbe se venisse a sapere che i terroristi che hanno attaccato gli Usa disponessero di fondi nelle banche svizzere?   Blocher: Questo non può essere escluso "a priore", anche perché il terrorista viene riconosciuto come tale solo dopo aver compiuto l'attacco? prima si tratta di una persona come tutte le altre, gentile, incensurata e "normale" a tutti gli effetti. Tuttavia, quando si è sicuri del contrario, i conti in questione sono da bloccarsi e da chiudersi. Nel nostro Paese non c'è posto per quel genere di denaro.   Qualcuno potrebbe pensare: agendo così, viene indebolito o allentato il principio del segreto bancario.   Blocher: No. Il terrorismo, fino a prova contraria, è un'azione criminale, ed i soldi che sono provento di azioni criminali o che servono a finanziare azioni criminali non ricadono sotto le norme proprie del segreto bancario.   A suo avviso, quali ripercussioni avranno questi eventi sulla Svizzera?   Blocher: Io spero che ora la Svizzera si svegli e riconosca: a) che questi sono i pericoli con cui saremo confrontati nell'immediato futuro; b) che questi sono i pericoli che dobbiamo essere pronti a combattere.   Che cosa può fare, in questo senso, il nostro Esercito?   Blocher: Noi abbiamo bisogno di un Esercito di milizia forte e numeroso, di un Esercito con competenze e con una conoscenza concreta del territorio, di un Esercito che sia addestrato per far fronte ad ogni tipo di situazioni, di un Esercito che sia pronto ad intervenire in ogni momento e rapidamente. Non abbiamo bisogno di carri armati, bensì di battaglioni di fanteria addestrati per compiti speciali e che siano, mi ripeto, pronti ad intervenire rapidamente. Un po', se mi permette il paragone, come avviene con i pompieri.   I sondaggi più recenti danno in ascesa il suo partito e quello liberale-radicale, in ascesa, mentre Ppd e socialisti sarebbero in calo?   Blocher: Ma è possibile che il Ppd possa calare ancora?.   Scherzi a parte, crede che questi sondaggi siano pilotati e che, in fondo, si tratti di giochi tattici? Oppure attribuisce fiducia ai sondaggi?   Blocher: Non so che dirle. Io non ho mai creduto molto ai sondaggi. Il nostro partito combatte per ottenere un buon risultato anche nelle prossime elezioni nazionali. D'accordo, forse non potremo crescere fino a toccare il cielo; io sarei contento se ci riuscisse di confermare i risultati delle ultime elezioni.   Qualora ciò accadesse si riproporrebbe la questione del secondo consigliere federale?   Blocher: E' chiaro che, se del caso, noi lo chiederemo. Se non ce lo dovessero dare, be', gran parte del nostro gruppo sarà ancora all'opposizione.   A proposito: per la cena, come facciamo?   Blocher: In un momento più tranquillo, ammessa e non concessa la tesi secondo cui questi tempi verranno.   * * *   Beh: comunque sia, il "menù" è già ampiamente fissato.   IL «MENU BLOCHER»   "Croûtes au fromage" - Tagliate alcune fette di pane bianco piuttosto spesse (una fetta a persona) e inzuppatele di vino bianco. Tagliate alcuni spicchî di aglio a fettine molto sottili e disponete queste ultime sulle fette inzuppate che porrete in una pirofila inburrata. Prendete qualche pezzo di formaggio dell'Alpe o di groviera e mettetelo nel "mixer-cutter" (100 grammi per persona), aggiungete un rosso d'uovo (uno per 4 persone) e, a poco a poco, panna liquida fino al momento in cui otterrete una crema non troppo liquida. Disponete la crema sulle fette di pane, pepate a volontà e secondo i vostri gusti ed infilate la pirofila nel forno preriscaldato (180 gradi) fino a che il formaggio sia dorato. Servite le fette molto calde.   Fegato di vitello con Rösti - Il giorno prima, fate bollire qualche patata con la buccia. Pelate le patate, passatele alla grattugia, salatele e pepatele. In una padella fate rosolare alcuni dadi di speck affumicato in molto burro per arrostire. Aggiungete le patate, cercando di non schiacciarle troppo, e appiattitele. Quando avete l'impressione che i Rösti siano dorati, girateli usando un coperchio (come si fa con le frittate) e fateli dorare anche dall'altra parte. Se necessario, aggiungete ancora un po' di burro per arrostire. Nel frattempo, prendete il fegato di vitello sminuzzato e fatelo rosolare a fuoco vivo. A metà cottura toglietelo dal fuoco e scolatelo dal grasso. In un'altra padella fate appassire una cipolla in poco burro. Aggiungete una spruzzata di vino bianco e un dado (se possibile, fondo bruno di vitello al posto del dado, ovviamente?). Fate ridurre la salsa ed aggiungete panna liquida parimenti da far ridurre. Abbassate il fuoco ed aggiungete il fegato sminuzzato che non deve più bollire. Fate riposare un attimo e servite con i Rösti.      

19.09.2001

Blocher gegen Gysin: «Jetzt erst recht (nicht) in die UNO!»

Streitgespräch mit Nationalrat Remo Gysin in der Basler Zeitung vom 19. September 2001 Christoph Blocher und Remo Gysin, die beiden Hauptkontrahenten der Abstimmungskampagne über den UNO-Beitritt, stritten gestern am Rand der UNO-Debatte im Nationalrat darüber, ob und wie die Terroranschläge in den USA den Entscheid des Schweizervolks beeinflussen. Blochers Nein zur UNO ist schärfer, Gysins Ja klarer geworden. Moderiert und aufgezeichnet: Niklaus Ramseyer, Tilman Renz und Lukas Schmutz Herr Blocher und Herr Gysin, was ist in den USA passiert und welche Schlüsse ziehen Sie aus diesen grässlichen Ereignissen? Blocher: Da haben raffinierte und intelligente Leute ohne grosse eigene Mittel ungeheure Wirkung erzielt und grossen Schaden angerichtet. Bezeichnend ist dabei, dass sie aus dem angegriffenen Land heraus agiert und zum Teil im Lande selbst zuvor noch trainiert haben. Wenn es bin Laden war, wäre es sogar ein Angreifer, der früher vom amerikanischen Geheimdienst bezahlt und ausgebildet worden ist. Und was folgern Sie daraus für die Schweiz? Blocher: Man muss das ernst nehmen und unser Land muss seine Sicherheitssysteme endlich darauf ausrichten. Dass wir militärisch angegriffen würden und dass es nach langen Vorwarnzeiten zu grossen Panzerschlachten käme, das steht nicht mehr im Vordergrund. Es braucht ein gründliches Umdenken in der Sicherheitspolitik. Wie sieht Ihre Analyse aus Herr Gysin? Gysin: Kernpunkte sind unbeschreibliches Leid als Folge einer furchtbaren Gewalt, dann auch die Demütigung eines ganzen Landes, einer Supermacht. Das ist Terrorismus in schwerster Form; und die Auswirkungen lassen sich noch gar nicht abschätzen. Getroffen wurden zudem Symbole der westlich-kapitalistischen Welt mit ihrer Führungsmacht Amerika. Das zentrale Symbol des Militärs wurde getroffen, das sich als ohnmächtig erwiesen hat... Blocher: ...wie auch die CIA... Gysin: ...genau, wie auch die CIA. Getroffen wurde auch ein Hauptsymbol des Welthandels. Dahinter stecken Armut und weitere Ursachen des Terrorismus. Und Ihre Folgerung für die Schweiz? Gysin: Das Militär aufzurüsten, wie das Herr Blocher will, ist unnötig. Es gibt für mich zwei Strategien: Erstens, den Terroristen den Nährboden entziehen und Ungerechtigkeiten abbauen. Zweitens ihre Waffen- und Finanztransaktionen unterbinden. In der Schweiz müssen wir ein Klima der Toleranz gegenüber den Fremden schaffen. Wir müssen mehr über den Islam wissen ... Blocher: Gut, aber bei den Hintergründen aufpassen. Bei bin Laden hat das nichts zu tun mit der Armut. Dahinter stecken ausgesprochen reiche Leute. Für sie ist es eine ethnische und religiöse Auseinandersetzung. Ihr Netz ist eben auch in den reichen Ländern verankert. Die Frage ist, können Sie sich mit Ihrer Toleranz gegen solche Kämpfer wappnen? Gysin: Ich rede doch nicht von Toleranz gegenüber Terroristen. Und die Wahrscheinlichkeit, dass religiöser Fanatismus mit hineingespielt hat, ist gross. Aber die Rekrutierungsbasis der Terroristen liegt bei den Menschen, die nichts mehr zu verlieren haben. Wie beeinflussen die Ereignisse das Verhältnis der Schweiz zur UNO? Blocher: Es ist klar sichtbar geworden, wie ausserordentlich wichtig die Neutralität für uns als Sicherheitsgarantin ist. Und zwar die bewaffnete, immer währende, selbst gewählte und bündnisfreie Neutralität. Das ist das Mittel, dass wir nicht in solche verrückte Auseinandersetzungen hineingezogen werden. Wenn es bin Laden war, war es einmal schick, dass man Terroristen aufrüstet, das hat damals niemanden geärgert, und einige Jahre später will man nun das Gegenteil tun. Als kleiner Staat darf man sich da nicht reinziehen lassen. Und das ist der springende Punkt, warum ich gegen den Beitritt zur UNO bin. Gysin: Ich sehe das völlig anders. Dieser schreckliche Terroranschlag hat gezeigt, dass Gemeinschaft gefragt ist. Ein einzelnes Land kann wenig dagegen ausrichten. Da findet die UNO in ihren Kernaufgaben eine Bestätigung - nämlich präventiv gegen Armut, Diskriminierung und auch gegen Rassismus vorzugehen. Die UNO, Herr Blocher, bekämpft seit 1972 auch ganz konkret den Terrorismus. Sie hat erst kürzlich neue Konventionen gegen Bombenterror und gegen die Finanzierung des Terrorismus beschlossen ... Blocher: ...mit welchem Erfolg?... Gysin: Die Schweiz wird das nächstens ratifizieren. Das Bankgeheimnis darf Terroristen wie Mobutu nicht mehr schützen. Herr Blocher, die Schweiz ist bei allen UNO-Unterorganisationen dabei und zahlt dafür 450 Millionen pro Jahr. Sie sind gegen die UNO. Warum verlangen Sie nicht auch den Rückzug aus den Unterorganisationen? Da könnten Sie erst noch viel Geld sparen. Blocher: Die Teilnahmen an technischen Unterorganisationen ist mit unserer Neutralität nicht im Widerspruch. Wir werden dadurch nicht verpflichtet, gegen andere Staaten diskriminierende wirtschaftliche, politische oder gar militärische Massnahmen mitzumachen. Bei all den Bereichen, die Herr Gysin angesprochen hat, sind wir dabei: Menschenrecht, Bildung, Landwirtschaft, Gesundheit, Währungsfonds überall sind wir mit dabei. Das entscheidende ist jedoch der Vertrag über die Vollmitgliedschaft, weil der Sicherheitsrat gemäss Artikel 41 der Charta Mitglieder zu diskriminierenden Massnahmen verpflichten kann. Darin haben fünf Grossmächte das Vetorecht und da würden wir reingezogen. Sie wollen die Neutralität zu einem zentralen Argument Ihres Abstimmungskampfs machen, Herr Blocher. Warum eigentlich, alle andern Neutralen sind in der UNO und spielen eine wichtige Rolle, haben Generalsekretäre gestellt. Gysin: Genau, Irland, Österreich, Schweden - alle Neutralen sind dabei. Blocher: ...Ich muss Ihnen sagen, die Neutralitäten Finnlands und Schwedens sind nicht integral. Schweden hat eine Neutralität von Fall zu Fall, und Österreich hat eine Verpflichtung aus dem Friedensvertrag... Gysin: ...und Turkmenistan hat nochmals eine andere Neutralität und auch die Schweizer Neutralität ist nicht mehr die gleiche wie früher. Und die UNO akzeptiert alle Neutralitäten. Aber Ihre Neutralität ist nicht die, mit der wir leben... Blocher: ... das ist interessant Herr Gysin. Was wollen Sie denn für eine? Keine integrale? Keine dauernde? Keine bewaffnete, nicht eine bündnisfreie, dann sagen Sie uns das doch mal. Sagen Sie es, Herr Gysin! Gysin: Wir... Blocher: ...wer wir? Gysin: ...wir Befürworter ... Blocher: ...aha, gut!... Gysin: ... wir Befürworter stützen uns auf die Neutralität, so wie sie in der Verfassung steht. Diese wird auch von der UNO respektiert. Lesen Sie Artikel drei Absatz drei der UNO-Charta. Über militärische Sanktionen werden wir auch als UNO-Mitglied allein entscheiden. Das tangiert unsere Neutralität nicht. Armutsbekämpfung, Gesundheitspolitik und Friedenspolitik... Blocher: ...da sind wir überall dabei... Gysin: ... das sag ich ja, die UNO hat Kopf und Beine. Wenn wir nur bei den Gliedern, den Spezialorganisationen, beim Kopf jedoch, also bei der Generalversammlung, nicht dabei sind, dann klappt das nicht. Nun aber nochmals zur Neutralität. So wie die Schweiz sie versteht, gilt sie militärisch gegenüber einzelnen Ländern. Die UNO ist aber eine Gemeinschaft, bei der alle dabei sind. Die UNO ist in der Rolle des Polizisten gegenüber dem Verbrecher und da gibt es keine Neutralität, wie auch nicht gegenüber Terroristen - oder sind Sie da anderer Meinung? Blocher: Terroristen sind Kriminelle; sie vertreten keinen Staat. Zur Neutralität. Es ist nicht neu, dass die Politiker die Neutralität nicht achten, weil die Neutralität die Politiker in ihrer Bewegungsfreiheit einschränkt. Neutralität heisst sich nicht einmischen... Gysin: ...Sie reden, als ob sie kein Politiker wären... Blocher: ...ich begreife, dass Sie es nicht gern hören, wenn ich über Neutralität spreche... Gysin: ...doch, Neutralität ist eines meiner Lieblingsthemen... Blocher: ...also, Neutralität ist das typische Mittel des Kleinstaates, nicht in Auseinandersetzungen der Grossstaaten hineingezogen zu werden und sich nicht einzumischen. Und sie ist für die Schweiz nur dann glaubwürdig, wenn sie dauernd ist. Eine solche Neutralität hat nur die Schweiz. Heute nutzen wir die Chancen nicht, die sich daraus ergeben, weil der Bundesrat die Neutralität eigentlich nicht mehr will. Er will ja in die EU und in die UNO ist nur eine Etappe dafür... Gysin: ...Jetzt vermischen Sie aber alles... Blocher: ...nein, ich zitiere nur Herrn Deiss, und zwar wörtlich. In dieser ganzen Öffnung ist die UNO eine Etappe und da hat die Neutralität keinen Platz. Es tut mir leid, dass ich das sagen muss... Gysin: Nach Ihrem Gusto heisst Neutralität, dass wir wirtschaftliche Sanktionen der UNO durchbrechen und Despoten wie Saddam Hussein beliefern. Blocher: Nein, wir stehen eben auf keiner Seite. Das ist die grosse Kunst. Herr Gysin, wer definiert denn, wer die Despoten sind? Gysin: Das macht der UNO-Sicherheitsrat. Blocher: eben, eben... Im Sicherheitsrat haben fünf Grossmächte ein Vetorecht - da geht also Macht vor Recht. Wie wollen Sie das dem Volk erklären, Herr Gysin? Gysin: Das wäre historisch erklärbar, ich will es aber nicht erklären, weil es auch für mich nicht akzeptabel ist. Das wollen wir ändern. Aber wir können es besser, wenn wir drin sind, als wenn wir draussen vor der Tür bleiben. Blocher: Ha, Illusionen, Illusionen! Gysin: ...zudem tragen wir jetzt schon alle wirtschaftlichen Sanktionen der UNO mit... Blocher: ...der Bundesrat macht das freiwillig, nicht wir... Gysin: ...die Schweiz macht das, und auch Sie können nicht anders, Herr Blocher. Und ich finde es auch richtig so... Blocher: ...Sie schon, das ist ja klar, es ist Ihnen auch gleich, was für Dummheiten passieren... Gysin: ...nein, sicher nicht... Blocher: Doch, Hauptsache ist Ihnen doch, Sie sind dabei. Herr Blocher, die Wirtschaftsverbände sind für den UNO-Beitritt. Warum sind Sie als Grossunternehmer dagegen? Blocher: Die Wirtschaftsverbände schauen immer, wo die momentanen Interessen sind. 1992 waren sie für den EU-Beitritt und heute wollen sie nichts mehr davon wissen. So schnell geht das. Aber man kann nicht die Staatsprinzipien nicht nach den momentanen Interessen ändern. Gysin: Die Wirtschaft hat eingesehen, dass ein Gegengewicht zur nur wirtschaftlichen Globalisierung notwendig ist, wo soziale, menschenrechtliche und ökologische Standards mit hineinkommen. Und dieses Gegengewicht kann nur die UNO schaffen. Warum meinen Sie, werden die Terror-Anschläge in den USA die UNO-Abstimmung in Ihrem Sinne beeinflussen? Blocher: Weil sie zeigen, wie unglaublich, die Machtauseinandersetzungen auf der Welt sind. Es ist wichtig, sich nicht in diese einzumischen, um glaubwürdig neutral zu bleiben. Gysin: Ich bin nicht sicher, wie das Schweizer Volk auf die Ereignisse reagiert und wie die Abstimmung herauskommt. Aber es war ein sehr starkes Gemeinschaftsgefühl spürbar. Es ist offensichtlich, dass Terrorismus in dieser Form vor keinen Landesgrenzen halt macht.