Depuis la crise de l Euro, nos voisins sont massivement surendettés, alors qu’ici, la Suisse va bien

Interview dans «Le Matin Dimanche» du 25.07.2010

Christoph Blocher, voilà une semaine que l’on débat sur l’Union européenne, votre thème de prédilection. Satisfait?
Si vous le dites…

Vous ne saviez pas sur quoi mener campagne en 2011, maintenant, vous avez votre thème électoral.
On n’est pas encore en 2011, mais c’est sûr, l’adhésion à l’UE sera au cœur du débat lors de prochaines élections fédérales. Ce n’était pas vraiment le cas en 2007. Ce qui a changé, c’est qu’aujourd’hui, les proeuropéens de Suisse, d’autre part, et les pays de l’UE, de l’autre, sont devenus très nerveux.

Ah oui?
Depuis la crise de l Euro, nos voisins sont massivement surendettés, alors qu’ici, la Suisse va bien. Du coup, ils veulent augmenter la pression.

Et les proeuropéens, en quoi seraient-ils nerveux?
Ils le sont. Parce qu’ils voient bien que de plus en plus de gens sont opposés à l’adhésion. Les proeuropéens sont aussi obligés de reconnaître que la catastrophe économique qu’ils avaient prédite il y a vingt ans ne s’est pas réalisée. C’est même le contraire. Par rapport à 1992, où l’économie soutenait l’adhésion, et où les Romands étaient pour, le rejet est beaucoup plus net.

Mais il s’agissait alors seulement de l’Espace économique européen, et non de l’Union européenne.
Directement oui. Mais il é’tait connu, que une participation à l’EEE ne serait qu’une étape vers l’adhésion à ce qui était encore la Communauté économique européenne. Si l’on devait voter aujourd’hui sur l’adhésion, je vous garantie que le peuple suisse la refuserait massivement.

Vous vous réjouiriez d’un vote sur la question?
Bien sûr. Ce débat est fondamental; sinon le Conseil fédéral et l’administration feront tout pour que faire adhérer en douce, par la petite porte. Il faudrait peut-être même que l’UDC lance une initiative pour exclure l’adhésion à l’UE et à l’OTAN.

Comment cela?

Nous ne pouvons décemment pas lancer une initiative pour l’adhésion dans le seul but de la voir rejetée en votation. Mais nous pouvons faire l’inverse, c’est-à-dire proposer au peuple d’ancrer dans la constitution le fait que la Suisse ne peut adhérer à une organisation qui signifierait une perte substantielle de sa souveraineté. Nous sommes en train de vérifier avec des juristes comment il faut formuler cette idée. Car si on est trop précis, en nommant l’UE, on risque de se voir contourné le jour où celle-ci aura changé de nom. Et si on est trop général, ce n’est pas bien non plus.

C’est votre idée?
Il y a beaucoup de gens qui ont des idées à l’UDC.

C’est surtout un merveilleux thème de campagne. Vous voulez rejouer la même pièce qu’en 1995 et 1999, quand l’UDC a massivement progressé.
Le simple fait de maintenir nos 29% de 2007 serait déjà un petit exploit. Il sera difficile d’aller au-delà. On pourrait bien sûr être un peu plus gauche et vert ici ou là, pour séduire encore plus d’électeurs en 2011, mais ce serait courir à notre perte les fois suivantes. Nous restons sur le Lable “Suisse.”

Lundi à Bruxelles, la présidente de la Confédération Doris Leuthard s’est vue dire que la voie bilatérale arrivait à sa fin.
Ce sont des sornettes qu’on entendait déjà il y a vingt ans. A l’époque déjà, le Conseil fédéral et des diplomates disaient qu’on ne pouvait pas conclure des accords bilatéraux. Depuis, on en a signé toute une série. Beaucoup trop à mon goût d’ailleurs. Et en plus, aujourd’hui, du point de vue de la Suisse, il n’y a aucun domaine où nous avons besoin vital d’un nouvel accord.

Mais vous prétendez qu’il en aura d’autres?
Bien sûr. L’Union européenne veut discuter de notre fiscalité? Eh bien faisons-le, mais demandons quelque chose en échange. La Suisse doit rester sereine et pragmatique. Il y a des choses que nous devons discuter avec les vingt-sept, et d’autres – la majorité peut-être – que nous pouvons régler de pays à pays. Le Conseil fédéral doit juste arrêter de tout céder dès qu’il est un peu mis sous pression.

Comment cela?
De l’Allemagne, qui veut un nouvel accord sur la double imposition, il faut par exemple demander des concessions sur le trafic aérien pour l’aéroport de Zurich et exiger qu’elle cesse d’acheter des données bancaires volées. Ce genre de méthode est digne d’un Etat très primitif.

Reste que la pression sur la Suisse continue d’augmenter.
Laissons-les d’abord venir avec des menaces concrètes, plutôt que de les anticiper et d’en inventer nous-mêmes comme le fait le Conseil fédéral.

La Suisse, dans 20 ou 50 ans, finira forcément par adhérer à l’UE.
Pourquoi? Voilà plus de 700 ans que ce pays existe et il se porte extrêmement bien. Et même si la Suisse le voulait, elle ne pourrait pas adhérer. Ou alors il faudrait renoncer à notre démocratie directe, au
fédéralisme et à notre neutralité. La Suisse ne serait alors plus la Suisse.

Et que dites-vous de l’idée de relancer l’EEE, comme le suggère Avenir Suisse?
C’est absurde. Tout comme l’idée d’une EEE-light que l’on prête à Doris Leuthard. Qu’est ce que ça veut dire, light? Pour moi, l’EEE ou quelque chose du genre reviendrait à signer un contrat colonial, car il signifie la reprise automatique de pans entiers du droit européen.

Lancer votre collègue Caspaar Baader en décembre, pour attaquer le siège socialiste que quittera Moritz Leuenberger, c’est votre idée aussi?
La direction de l’UDC a décidé cette stratégie en avril. Si nous voulons être crédibles, en exigeant la concordance arithmétique, nous devons exiger un deuxieme siège au Conseil: L’UDC a aujourdhui un siège, avec 29%, les Socialistes ont 19%.

Et en cas de double vacance au Conseil fédéral, avec un départ de Hans-Rudolf Merz?
Le choix serait plus délicat. Le PS a certes plus de voix que le PLR, mais ce sont en premier lieu les socialistes qui nous ont enlevé notre deuxième siège, ça veut dire: qui ont éliminé la concordance.

Alors?
Laissons cela pour l’instant. De toute façon, Hans-Rudolf Merz ne démissionnera pas cet automne.

On vous sent encore très impliqué dans la politique…
J’y consacre 50% de mon temps.

Vous avez dit que vous décideriez ce printemps si vous êtes candidat ou non au Conseil national. Est-ce sérieux, ou une boutade en réponse à une invention de journalistes?
Le parti aimerait bien que je sois candidat. L’UDC zurichoise est convaincue que cela attirerait de nombreuses voix sur notre liste. Moi, je leur ai répondu que la chose était trop sérieuse et que je voulais me laisser du temps pour réfléchir. Vous savez, il y a bien plus amusant que de se morfondre en séance de commission à Berne.

Mais?
Je vois bien que si je veux avoir un maximum d’influence, par exemple sur le débat européen, c’est un avantage d’être élu.

Le débat européen pourrait donc réveiller le vieux lion que vous êtes. N’êtes-vous pas fatigué de la politique? Comment se porte votre santé?
Du point de vue du tempérament, je me sens plus frais que bien des
parlementaires fédéraux. Pour ce qui est de ma santé, je me porte très bien. Ceux qui veulent me voir disparaître de la scène politique devront attendre encore. Et ensuite, il leur faudra accepter que, contrairement à ce qu’ils espèrent, l’UDC ne s’effondrera pas.

— —- —  —

Votre fille, qui a repris la direction de votre entreprise EMS-Chemie, vient d’annoncer d’excellents résultats malgré la crise. Qu’est-ce qu’elle fait mieux que vous?
Je ne sais pas ce qu’elle fais de mieux que moi, puisque je ne suis plus aux commandes de l’entreprise depuis presque sept ans. Mais c’est assez logique, puisque mes enfants sont beaucoup mieux formés que moi. Deux ont étudié l’économie à Saint-Gall, l’un est ingénieur chimiste et la troisième, qui a racheté Läckerlihuus, est ingénieure en produits alimentaires. En plus, j’en suis assez fier, ils ont tous repris le style de conduite de leur père.

C’est-à-dire?
Des mandats forts, de l’assurance dans la prise de décision grâce à l’examen de nombreuses variantes, la capacité à mettre en œuvre la stratégie et, enfin, celle de voir loin. Et ils vivent aussi pour l’entreprise.

L’idée des polymères ultra résistants de EMS-Chemie qui font fureur actuellement dans l’industrie des téléphones mobiles, c’était votre idée?
Il y a quinze ans déjà, nous avions dévelopée le concept de polymère pour remplacer le métal. Mais ces dernières années, Magdalena les a beaucoup fait évoluer. Elle pousse d’ailleurs beaucoup la recherche et le développement dans l’entreprise.

— — —

Eric Woerth
«Je n’ai pas suivi en détail ce qui arrive au ministre du français. Mais en politique, on a non seulement l’obligation d’être irréprochable, on n’a même pas le droit de laisser s’installer l’impression qu’on ait pu ne pas l’être. Et puis il y a une morale à deux vitesses: un politicien peut gaspiller des milliards sans se faire blâmer, mais s’il vole, ne serait-ce que 50 centimes, il court à sa perte.»

Roman Polanski
“Il ne fallait pas arrêter le cinéaste. D’autant qu’il était invité presque officiellement. Mais là, ce qui vient d’être fait pour sa libération, c’est une  décision politique. Ce n’est pas juste. Peu importe on ait donné une argumentation juridique.”

Bernard Rappaz

«Avec sa grève de la faim, il a réussi a faire pression sur la justice pour obtenir des conditions de détentions moins strictes. Je ne crois pas qu’il faille une loi nationale pour régler ce genre de cas limites. Il faut chercher des solutions pragmatiques au cas par cas. Il faut évidemment protéger la vie, mais si quelqu’un est réellement décidé à se suicider, a faire pression on ne peut pas faire grand-chose contre»

← Back to: Articles