Arafat est aujourd’hui qualifié de terroriste, où est la vérité?

Débat avec conseiller fédéral Pascal Couchepin dans 24 Heures du 30. janvier 2002

Couchepin contre Blocher: un face-à-face sur l’ONU

“Bonjour, M. le Chef de l’opposition”, a dit le ministre de l’Economie au tribun zurichois en l’accueillant dans son bureau pour le débat organisé par 24 heures et le Sankt Galler Tagblatt. Les deux hommes ne se sont pas fait de cadeaux.

Débat dirigé par Denis Barrelet (24 heures et Tribune de Genève) et René Lenzin (Sankt Galler Tagblatt)


Quelle est votre idée de la Suisse?

Christoph Blocher: La recette qui a fait le succès de la Suisse, c’est la liberté, l’indépendance, la démocratie directe et la neutralité intégrale. Nous sommes un pays ouvert au monde, ami de tous, mais qui ne veut pas se lier les mains. Coopération oui, intégration non.

Pascal Couchepin: La Suisse est un pays indépendant et sûr de lui, fier de ses particularités. C’est aussi un petit pays réaliste qui sait que pour exister dans le monde il faut avoir des amis, qu’il faut avoir des réseaux de solidarité et être présent là où la politique mondiale se dessine.

Et qu’en déduisez-vous à l’approche de la votation du 3 mars?

Blocher: Que si nous entrions à l’ONU politique, nous nous soumettrions aux décisions du Conseil de sécurité, ce qui serait contraire à la neutralité.

Mais il y a d’autres pays neutres au sein de l’ONU.

Blocher: Un seul pays possède une neutralité intégrale: la Suisse. La Suède et la Finlande ont une neutralité de cas en cas. L’Autriche a une neutralité similaire, puisqu’elle lui a été imposée après la guerre, selon le modèle suisse. Mais, en tant que membre de l’Union européenne, elle est en train de l’abandonner. De 1945 jusqu’au début des années 1980, le Conseil fédéral a toujours prétendu que l’adhésion à l’ONU n’était pas compatible avec la neutralité, à cause des articles 41 à 43 de la charte, qui obligent les pays membres à se soumettre aux décisions du Conseil de sécurité. Avant la première votation sur l’adhésion à l’ONU en 1986, il a changé son fusil d’épaule. En fait, il a abandonné la neutralité. Cet abandon lui permettait surtout de lorgner en direction de l’Europe.

Couchepin: Nous sommes un pays neutre et tenons à le rester. Dans la lettre d’adhésion que nous enverrons à l’ONU et dont les termes ont d’ores et déjà été acceptés par l’organisation, nous réservons l’exercice de nos droits dans le respect de la neutralité selon notre conception. C’est faire injure au peuple suisse et aux autorités qu’il élit de penser qu’ils trahiront cette condition de l’adhésion. Vous nous faites toujours des procès d’intention, M. Blocher. Quand les autorités disent quelque chose, vous les soupçonnez toujours de mentir au peuple. C’est profondément antidémocratique. Entre adversaires politiques, il y a au minimum une certaine bienveillance à avoir, sinon vous tuez le débat démocratique.

Blocher: Passons sur ces attaques. Il est naturel que, lorsqu’on n’a plus d’argument à avancer, on pousse l’adversaire dans un coin, comme vous le faites maintenant.

Couchepin: Il me semble que c’est plutôt votre méthode que la mienne.

Blocher: Pour le citoyen, il est simple de savoir ce qu’est la neutralité. C’est de ne pas participer aux conflits des autres. Or, nous allons signer un contrat où il est dit que le Conseil de sécurité peut décider que la Suisse doit condamner un peuple à la famine, le boycotter, couper les transports. Ce sont des moyens de guerre. Dans l’article 43, les pays membres peuvent être obligés de mettre des troupes à disposition, selon leur procédure interne.

Couchepin: Cela veut dire qu’ils peuvent refuser de le faire.

Blocher: Juridiquement, vous avez raison, mais il y aurait une pression politico-morale. La neutralité empêche le gouvernement de se jeter tête baissée dans un conflit international. C’est son mérite.

Couchepin: La neutralité n’est pas une condition d’existence de la Suisse. C’est un moyen pour assurer notre sécurité et nous voulons la respecter. Peut-on rester neutre face au terrorisme sans nous mettre nous-mêmes en danger? Voulez-vous que nous soyons le seul pays au monde qui continue à commercer avec Saddam Hussein?

Blocher: La Suisse n’aurait pas dû participer au boycott de l’Irak sous cette forme. Un boycott alimentaire contre un pays provoque la mort de centaines de milliers d’innocents, sans toucher le dictateur visé. Celui-ci en sort même renforcé. J’ai proposé, à l’époque, de maintenir le courant normal et d’engager un programme ciblé pour soutenir les plus pauvres dans le pays.

Couchepin: Ce boycott de l’Irak, c’est exactement le type de débat qui ne peut être conduit qu’à l’intérieur de l’ONU. Il faut être à l’intérieur pour pouvoir exprimer un avis divergent. Si la Suisse est à l’extérieur, il est totalement illusoire de croire qu’elle peut décider à sa guise du type de boycott qu’elle peut appliquer. Nous ne pouvons pas avoir de politique autonome efficace dans ce domaine. Vous me direz que, si nous sommes à l’intérieur, nous ne serons pas entendus. Eh bien! moi, je suis fier de mon pays et je crois qu’il a la capacité de faire entendre des arguments rationnels.

Et le terrorisme?

Blocher: Le terrorisme n’est pas un Etat, mais une forme de combat, celle des faibles. La meilleure façon de s’en protéger, c’est de se maintenir neutres entre les blocs, pour ne pas l’attirer chez nous, et de refuser que des organisations terroristes s’implantent sur notre sol. Il faut aussi que l’armée et la police fassent leur travail.

Couchepin: Le terrorisme est une forme de combat, mais il arrive qu’il soit soutenu par un Etat, comme en Afghanistan. Lorsque c’est le cas, on voit bien qu’il n’y a pas de neutralité possible. En résumé, nous sommes neutres et nous voulons le rester, selon nos intérêts, à l’intérieur de l’ONU. Tout le reste n’est que théorie et conduit simplement à la disparition de la présence de la Suisse dans le monde.

M. Blocher, vous estimez-vous plus compétent que l’ensemble des professeurs de droit international public de Suisse et de l’étranger, qui jugent la neutralité compatible avec la Charte des Nations Unies?

Blocher: Tous parlent du droit de la neutralité selon la Convention de La Haye. Non de la politique de neutralité. La politique de neutralité de la Suisse, en particulier celle de la population, signifie qu’on ne participe à des conflits internationaux en aucune manière. Ces spécialistes disent que l’ONU n’est pas un Etat, mais une communauté d’Etats. En fait, si elle agit contre d’autres Etats et qu’elle nous oblige à le faire, ce n’est pas contraire à la neutralité peut-être, mais contraire à notre politique de neutralité. Ce sont deux plans différents.

Vous êtes donc d’accord pour dire que la neutralité n’est pas violée par une adhésion, mais la politique de neutralité.

Blocher: Oui.

Le Conseil de sécurité est marqué par le poids des grandes puissances. Cela ne vous fait-il pas peur, M. Couchepin?

Couchepin: Le veto, ce n’est pas l’expression de puissances arrogantes qui veulent imposer leur diktat au reste du monde. C’est la décision des grands Etats qui ont sauvé les démocraties et qui ont permis, après la guerre, de reconstruire un monde sans Hitler, Mussolini et le Japon impérial. Ce n’est pas quelque chose de totalement immérité. Deuxièmement, le droit de veto, nous le connaissons aussi dans notre système politique suisse. La majorité des cantons requise pour des modifications constitutionnelles, c’est le droit de veto des petits cantons à l’égard des grands cantons. Et, au fond, le système des Nations Unies sans le droit de veto des grands, c’est un système où il y aurait seulement la majorité des Etats. Andorre et la Principauté de Monaco pourraient imposer leur volonté aux Etats-Unis d’Amérique. Cela ne marche pas. Ou c’est comme si en Suisse, la majorité des petits cantons pouvait imposer aux grands cantons sa volonté. Tous les systèmes démocratiques cherchent un équilibre entre la puissance du nombre et la personnalité des Etats.

Blocher: Voilà une description bien romantique du droit de veto. En Suisse, les petits cantons ont un droit de veto à condition d’obtenir une majorité. Au Conseil de sécurité, une grande puissance peut tout bloquer. C’est comme si Zurich avait un droit de veto. Ce serait insupportable pour un démocrate.

Couchepin: Vous n’avez pas compris ce que j’ai dit.

Blocher: Laissez-moi parler! Les cinq grandes puissances se sont arrangées pour qu’on ne puisse jamais leur imposer une résolution dans leur zone d’influence. Prenez le conflit israélo-palestinien: plusieurs résolutions de l’ONU condamnent la politique de colonisation israélienne. Elles ne sont pas appliquées, car les Etats-Unis s’y opposent. Si les grandes puissances n’obtiennent pas le soutien du Conseil de sécurité, elles se passent de l’ONU. La guerre au Kosovo a été faite par l’OTAN. C’était une guerre illégale, le Conseil de sécurité n’y avait pas donné son accord. En Afghanistan, les Etats-Unis ont mené la guerre seuls. Comme Etat neutre, nous ne devrions pas nous compromettre dans un tel système. Nous avons un rôle à jouer dans le domaine des bons offices. Malheureusement, ces dix dernières années, la Suisse n’a pratiquement plus assumé sa mission d’Etat neutre, simplement parce que le gouvernement voulait être comme les autres.

Couchepin: Vous avez dit avec raison qu’une guerre qui n’est pas approuvée par les Nations Unies est une guerre illégale. Cela montre que spontanément, quand vous parlez avec bon sens – ce qui arrive souvent, mais pas toujours -, vous admettez que la seule organisation internationale qui dit le droit, c’est l’ONU. Et vous ne voulez pas en faire partie. Il ne faut pas oublier non plus que le droit de veto est donné à cinq puissances, dont les intérêts sont divergents. Pour un pays comme le nôtre qui ne peut pas être entraîné dans des aventures, c’est une protection. Si ces cinq pays acceptent une décision, c’est bien qu’elle est portée par l’ensemble de la communauté mondiale et non par les intérêts d’un seul groupe. Le droit de veto n’est pas une solution parfaite, mais c’est une solution moins imparfaite que si elle n’existait pas.

Blocher: Je suis étonné qu’un démocrate trouve cela bien. Cela dit, même si les cinq pays n’exercent pas leur droit de veto, ils peuvent défendre des intérêts inavouables.

Couchepin: Un exemple?

Blocher: Tout le monde est contre le terrorisme. Mais cette unanimité est trompeuse. La Russie, par exemple, défend cette position pour avoir les mains libres en Tchétchénie.

Couchepin: La seule question importante est celle-ci: M. Blocher, êtes-vous opposé à la guerre contre le terrorisme?

Blocher: Je suis pour la guerre contre le terrorisme, mais je veux que nous puissions décider qui est terroriste et qui ne l’est pas. Le Prix Nobel Arafat est aujourd’hui qualifié de terroriste. Où est la vérité?

Couchepin: Moi j’ai décidé. J’ai décidé que nous sommes heureux de pouvoir nous joindre à une coalition mondiale contre le terrorisme. Il y va de la sécurité dans ce pays et dans le monde. On ne peut pas isoler la sécurité de la Suisse de celle du reste du monde.

Blocher: C’est vrai, mais la Suisse ne doit pas se contenter de singer les autres. Elle doit aussi réfléchir par elle-même.

Couchepin: Bien entendu. Nous devons pouvoir discuter des mesures à prendre. Et pour cela, nous devons être à l’intérieur de l’ONU, car sinon, les décisions seront prises et nous seront imposées sans que nous ayons un droit de codécision.

Blocher: Comment voterait la Suisse dans la guerre entre Israël et la Palestine si elle était au Conseil de sécurité?

Couchepin: C’est une question très théorique. Il y a des résolutions des Nations Unies qui doivent être appliquées. Pour l’instant, nous ne sommes pas candidats au Conseil de sécurité. En fonction de notre vision de la neutralité, peut-être même que nous renoncerons à l’être.

Vous invoquez souvent la démocratie directe, M. Blocher.

Blocher: La participation dans des organisations internationales a pour effet d’éloigner le gouvernement de son peuple. Ce ne sont pas les représentants du peuple qui se retrouveront dans le palais de verre de Manhattan, mais des conseillers fédéraux, des diplomates, des fonctionnaires. Et ils seront soumis à des pressions politico-morales énormes, qui pourraient les forcer à prendre des décisions dont le peuple suisse ne veut pas.

Couchepin: Jamais, dans l’histoire de la Suisse, les compétences en matière de politique étrangère n’ont été autant partagées. Le Conseil fédéral doit consulter le Parlement et les cantons. Il y a des débats publics. La démocratie directe est fondamentale pour moi dans ce pays, mais dans un cadre plus large voulu par le peuple. Celui-ci nous vaudra des engagements nouveaux, certes, mais aussi des chances supplémentaires.

Blocher: Quoi qu’il en soit, notre souveraineté sera réduite massivement.

Couchepin: La souveraineté est une notion admise par tous. Pourquoi s’appliquerait-elle de manière différente à la Suisse qu’aux autres nations? Etes-vous d’avis que les 189 pays membres de l’ONU ne sont plus des Etats souverains?

Blocher: La différence, c’est qu’en Suisse, le peuple est souverain. C’est lui qui décide, par exemple, d’adhérer ou non à l’ONU.

Que penser du coût de l’adhésion?

Blocher: Avant la votation, ça coûte toujours peu. On parle de 75 millions, oui, mais on n’en restera pas là. Il y aura des dépenses indirectes. L’assemblée générale conseille déjà de consacrer 0,7% du produit national brut à l’aide au développement. La pression sur le Parlement suisse sera grande.

Couchepin: Le seul élément important dans votre diatribe, c’est le chiffre de 75 millions sur un budget fédéral de 50 milliards de francs. Tout le reste, c’est de la polémique. Le 0,7% dont vous parlez, c’est une recommandation qui est faite à tous les pays de la Terre, membres ou non de l’ONU. C’est un objectif de développement qui peut se discuter. Je suis plutôt d’avis qu’il faut l’atteindre si c’est financièrement possible, car si on veut lutter contre le terrorisme, il faut aussi lutter contre les causes du terrorisme, dont l’une est la pauvreté et l’amertume qu’elle engendre.

Ce qui frappe, c’est que le monde politique n’est pas seul à s’engager massivement pour l’adhésion. L’économie presque unanime aussi est favorable.

Blocher: Je réalise presque 90% de mes ventes à l’étranger, sur tous les continents. L’adhésion n’est pas une question économique. Le combat est mené presque uniquement par de grandes entreprises, chimiques et banques en tête, qui croient que notre réputation à l’étranger sera meilleure si nous adhérons. Je trouve étonnant que ceux qui parlent ainsi soient aussi ceux qui ont ruiné Swissair. Je ne dis pas que l’adhésion nuirait à l’économie. Nous avons une très bonne réputation dans le monde, et l’adhésion passerait inaperçue.

Couchepin: Je suis également convaincu que ce n’est pas une question économique. Par contre, l’économie ne peut pas vivre sous une cloche à fromage. Elle ne peut prospérer que dans un monde où il y a plus de sécurité, plus de solidarité, plus de justice. Ce sont les objectifs de la Suisse, et de l’ONU. L’ONU est la seule organisation internationale qui discute de ces problèmes à l’échelle mondiale. On doit être présents, et l’économie sait que des théories comme les vôtres sont irréalistes. Il faut la remercier, et ne pas la mettre sur le banc des accusés parce que l’un ou l’autre des responsables de l’économie a peut-être des problèmes. L’économie montre qu’elle a aussi le sens de l’intérêt général, et c’est tant mieux.

L’ONU a-t-elle dans le monde des effets plutôt positifs ou plutôt négatifs?

Blocher: C’est difficile à dire, car on ne sait pas ce que serait le monde sans l’ONU. Il y aurait peut-être d’autres organisations. Cela dit, je ne combats pas l’ONU. La Suisse fait d’ailleurs partie de toutes les organisations de l’ONU, sauf de celle qui décide des guerres et des boycotts. Mais dès qu’il s’agit de faim dans le monde, des réfugiés, du climat, des droits de l’homme, des questions économiques, nous sommes présents et nous payons un demi-milliard par an. Les décisions prises dans les organisations spécialisées ne sont pas toujours la panacée Mais des organes suprarégionaux sont nécessaires. L’important, pour moi, c’est que les décisions qui y sont prises ne sont jamais obligatoires pour le pays membre. Le droit national prévaut toujours. Avec l’ONU, c’est autre chose. Si nous adhérons, nous devons nous soumettre au Conseil de sécurité.

Couchepin: La moitié des arguments des opposants porte sur la prétendue faiblesse des Nations Unies, et l’autre moitié, exprimée aujourd’hui par M. Blocher, stigmatise la volonté trop forte de l’ONU. On ne peut pas défendre ces deux sortes d’arguments à la fois. La réalité, encore une fois, c’est que l’ONU est la seule organisation du village mondial. Et vouloir faire partie de tout ce qui est décidé à l’Assemblée générale, c’est-à-dire des organisations spécialisées, sans faire partie du noyau central de l’organisation, c’est payer en se privant des moyens de donner son avis dans la communauté. On est un petit pays, c’est vrai. Quand je vais voter, je suis un citoyen parmi d’autres. Quand j’étais conseiller national, j’étais un parmi 200. Et je n’avais pas l’idée de renoncer à mes activités politiques parce que je n’étais qu’un sur 200. La Suisse pourra jouer un rôle plus fort que celui qui revient à un Etat sur 189.

Blocher: Moi je n’entrerais pas dans un club où l’un des membres a un droit de veto et m’impose sa volonté sur des questions aussi importantes que la guerre et la paix.

Le fait que si la Suisse n’adhère pas, elle sera le seul pays avec le Vatican a ne pas être membre de l’ONU, ça ne vous gêne pas?

Blocher: Non. Au fond, dans le monde, sur ces questions de guerre et de sanctions, il n’existe que sept pays vraiment indépendants: les cinq grandes puissances, le Vatican et la Suisse. Ce sont les seuls pays qui peuvent encore librement décider de mesures contre un autre pays. L’ONU n’est pas une organisation de droit, mais de puissance. Comme petit pays, la Suisse doit s’en tenir au droit.

Couchepin: J’ai beaucoup de respect envers le Vatican, mais la Suisse a une autre vision du monde que le Vatican et joue sur un autre registre.

L’adhésion à l’ONU s’inscrit dans un projet de politique extérieure du Conseil fédéral. Quelle serait la suite après une adhésion à l’ONU?

Couchepin: Le but général et essentiel de la politique étrangère est d’assurer un maximum d’identité, de présence et de capacité de décision à notre pays. C’est de permettre de résoudre les problèmes qui se posent à notre pays. Dans le cadre de l’ONU, nous pouvons mieux résoudre nos problèmes de sécurité qu’en dehors. Nous essayons de régler une partie de nos problèmes avec les bilatérales. Pour l’instant, il n’y a pas d’autres ambitions concrètes à court terme que celle-là. On verra plus tard si le but stratégique de l’adhésion à l’UE doit se concrétiser. Comme vous le savez, c’est une question qui se posera au minimum dans sept ans et probablement plutôt dans dix ans.

Blocher: C’est en fait la question de la position de la Suisse dans la politique étrangère. Nous combattons l’adhésion à l’ONU, à l’UE et à l’OTAN parce qu’elle est contre les principes de l’autodétermination, de la souveraineté, de la neutralité et de l’ouverture au monde sans intégration. Depuis une dizaine d’années, le Conseil fédéral file du très mauvais coton. Cela a commencé par ce rapprochement avec l’ONU, heureusement avorté en 1986, puis l’EEE et le but stratégique de l’adhésion à l’UE. Il a même fait les yeux doux à l’OTAN. Mais pour gagner la votation sur les soldats suisses à l’étranger, il a dû y renoncer.

Il semble bien, M. Blocher, que la seule chance que vous ayez de gagner, c’est d’obtenir la majorité des cantons. Cela ne vous dérange-t-il pas d’imposer une solution à la Suisse contre la volonté de la majorité du peuple?

Blocher: Non, je n’impose rien. Notre système prévoit ces deux majorités pour les affaires importantes. C’est un des éléments qui fait l’équilibre et la force de notre démocratie. J’avoue que, comme nous avons peu de moyens financiers, nous nous concentrons sur certains cantons. Nos adversaires font la même chose, sauf qu’ils utilisent l’argent du contribuable et des grandes entreprises. Quand on a obtenu 2 milliards pour Swissair, on peut bien dépenser quelques millions pour cette campagne.

Couchepin: Le 3 mars, est-ce un jour important?

Blocher: Ce jour-là, il s’agira de savoir si nous voulons conserver les piliers qui ont rendu la Suisse forte. Si nous adhérons à l’ONU, la Suisse se soumettra au Conseil de sécurité et deviendra moins sûre. Nous attirerons la guerre et le terrorisme. Et le peuple perdra de son influence.

Couchepin: Le 3 mars, le peuple décidera comment il veut assurer le mieux la sécurité et la présence de ce pays dans le monde. L’ONU regroupe la totalité des Etats de la planète. C’est elle aussi qui fait le plus concrètement le droit international. La Suisse doit y être présente pour apporter sa voix originale, et participer au combat pour un monde plus juste, plus sûr.

 

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