Christoph Blocher: «Vacancier? Ça ne me convient pas

Interview dans «Le Matin» du 1 mars 2008

Christoph Blocher sera élu aujourd’hui vice-président de l’UDC. Son premier combat sera avec l’Allemagne. Pour la première fois depuis des mois, Christoph Blocher s’exprime. Voici sa première interview d’opposant.

Qu’est-ce que vous êtes allé faire au Chili? Panser vos plaies après votre éviction du Conseil fédéral
Christoph Blocher: Absolument pas. Pour la première fois, j’ai voulu avoir quatre semaines de vraies vacances. Je suis allé à 5700 mètres sans masque à oxygène. J’ai aussi découvert le désert au nord du Chili, je n’en avais jamais vu.

Et cette chute à la piscine, pourquoi en parlez-vous partout?

Blocher: J’ai peur de passer pour un invalide lors de mes discours. La vie de vacancier ne me convient pas, je ne suis jamais tombé en travaillant. Ça s’est passé le dernier jour à l’île de Pâques. J’ai glissé dans les escaliers de la piscine. J’ai une côte cassée.

En tout cas, votre absence a semé la confusion dans le parti.

Blocher: Pas du tout. L’UDC va très bien. Nous sommes seulement dans une période délicate avec un changement de direction. Le parti doit s’affirmer dans l’opposition. Et puis nous n’avons plus de conseillers fédéraux.

Si, vous en avez deux
Blocher: Pas un seul.

Bon, vous n’aimez pas Samuel Schmid, mais Eveline Widmer- Schlumpf prend les mêmes décisions que vous.

Blocher: On verra. Pour l’instant, elle ne fait que poursuivre mes projets. Mais je la connais depuis longtemps… Elle n’a pas les mêmes positions que l’UDC.

Vous allez vers un schisme au sein du parti.
Blocher: Non, le groupe parlementaire a voté à 60 voix contre 2 leur exclusion. Je n’aurais jamais pensé qu’on serait si uni. Je m’attendais à ce que l’on me dise que Mme Widmer n’était pas un si mauvais choix.

Ce n’est pas votre avis?

Blocher: A l’époque, elle était proeuropéenne. Un parti ne peut pas gagner des élections en disant que nous nous battons pour la souveraineté du pays et avoir des conseillers fédéraux qui disent le contraire. C’est aussi valable pour les impôts. Elle soutient la hausse de la TVA, alors que l’UDC a promis de lutter contre toute augmentation d’impôts.

Il n’empêche que Pascal Couchepin, au nom du Conseil fédéral, soutient Mme Widmer et M. Schmid.
Blocher: Pascal Couchepin est très heureux de ceux qui ont été élus. J’ai souvent contredit ses propositions. Je suis sûr que les conseillers fédéraux ne débattent plus à leur séance, comme nous le faisions à mon époque. C’est redevenu comme avant. Désormais, ils sont tous d’accord.

En tout cas, votre rentrée politique est ratée. On lit dans la NZZ que vous êtes devenu tout gentil, on vous traite d’oncle Blocher qui raconte les histoires du passé.
Blocher: Je vais continuer à délivrer des messages très clairs. C’est juste une attaque de la NZZ. Une fois, je suis trop agressif et, une autre, trop gentil…

A Saint-Gall, vous n’avez pas fait d’étincelles. Pourtant vos trois meetings, c’était bien pour empêcher Lucrezia Meier-Schatz d’être élue.
Blocher: Ce n’est pas mon genre de m’en prendre à quelqu’un et de participer à des intrigues: j’ai toujours défendu des idées qui servent mon pays et son peuple.

Vous vous êtes même drôlement assagi.

Blocher: J’ai attrapé la mentalité d’un conseiller fédéral: ne pas dire toute la vérité. Mais vous verrez bien si je suis un gentil tonton.

Que pensez-vous des écartsde langage de Pascal Couchepin?
Blocher: C’est incroyable, personne ne dit rien ni pour le Duce ni pour „Mörgele“. Si moi j’avais fait cette comparaison, le Conseil fédéral aurait regretté publiquement ces propos. La Berne fédérale est un bassin rempli de requins.

Et vous, vous n’en êtes pas un?
Blocher: Non, je suis une victime.

Un petit poisson rouge?
Blocher: Non, je ne suis pas un animal inutile.

Un homard alors?
Blocher: Un peu plus déjà.

Alors quel animal?

Blocher: Je dirais plutôt un lion.

Bon, et que dit ce lion de l’attaque de Pascal Couchepin contre Marcel Ospel?
Blocher: Les expériences de Pascal Couchepin dans l’économie ne sont pas brillantes. A sa place, je m’abstiendrais d’attaquer les patrons. Surtout qu’il reproche, en plus, à Marcel Ospel de critiquer les politiciens. Le Conseil fédéral se fait du souci pour la détérioration du climat politique. Avec les dérapages de Pascal Couchepin, je partage effectivement cette crainte.

Marcel Ospel doit-il démissionner?
Blocher: Ce n’est pas à moi de le décider. A mon avis, il doit rester et résoudre le problème, c’est sa punition, même s’il a voulu démissionner en 2007 déjà. D’ailleurs, il a fait gagner 66 milliards à UBS en dix ans et la banque a payé 23 milliards d’impôts en Suisse pendant cette période. A présent, il en a perdu quatre. Et puis il est quand même en train de sauver la banque. En trois jours, il a trouvé un actionnaire prêt à apporter 13 milliards, dont quatre à cinq sont perdus d’avance. Encore un coup de maître.

… en livrant la plus grande banque suisse à Singapour.
Blocher: Ce n’est pas l’Etat qui a investi cet argent mais un fonds étatique. C’est comme si la caisse de pension des fonctionnaires de la Confédération achetait des actions.

On sent que reprendre un travail dans l’économie, ça vous titille.

Blocher: J’ai refusé quelques postes. Pour l’instant, mon activité principale sera clairement la politique. Plus tard, on verra!

Vous avez envie de redevenir conseiller fédéral?
Blocher: Peu importe si j’ai envie ou pas. En tout cas, moi ou un autre UDC doit se mettre à disposition lorsqu’un poste se libérera au Conseil fédéral, ça, c’est évident.

Samedi, vous allez être élu vice-président du parti: alors c’est quoi, le prochain coup de l’UDC?

Blocher:
La priorité, c’est l’affaire du différend fiscal. Nos politiciens n’ont pas encore compris: les Etats de l’Union européenne veulent nous obliger à changer nos lois. Nos grands voisins ont une attitude coloniale. Ils veulent tout harmoniser pour nous empêcher d’être les meilleurs. L’Allemagne parle d’oasis fiscale. Je rentre du désert et je peux vous dire qu’il n’y a rien de plus beau qu’une oasis. Demain (n.d.l.r.: aujourd’hui) je vais dire à l’Allemagne: „Devenez vous aussi une oasis!“

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