Il n’est pas vague!

Interview avec 24 Heures et la Tribune de Genève, 03.12.10

Après la victoire de dimanche, vous êtes euphorique.
Non. Le Conseil fédéral, son administration et le parlement ont reçu une mission claire: mettre en œuvre l’initiative. Or, j’entends les perdants nous expliquer que ce sera difficile et que les initiants devraient expliquer comment.

N’est-ce pas normal avec un texte d’initiative aussi vague…
Il n’est pas vague !

L’UDC ne participera donc pas au groupe de travail que la ministre de la justice Simonetta Sommaruga mettra sur pied avant Noël ?
C’est moi qui ai introduit la pratique du groupe de travail après le vote sur  l’internement à vie des criminels dangereux. Mais mon but était de permettre aux partisans du texte de contrôler sa mise en œuvre. La motivation de Madame Sommaruga est autre. Opposée à notre solution, elle attend des compromis. Nous serons là pour contrôler que la loi d’application corresponde aux attentes de la population.

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Bel échec à Bâle : votre tentative de prendre le contrôle de la Basler Zeitung (BAZ) a bien mal fini.
La solution trouvée aujourd’hui, avec l’entrepreneur Moritz Suter, me convient. Pour le reste je n’ai été engagé que pour l’assainissement du groupe Basler Zeitung Medien.

Christoph Blocher en simple consultant, c’est difficile à croire.
Pourtant c’est la vérité. Je n’ai pas investi un seul franc dans la BaZ.

Mais de nombreux proches étaient impliqués: Tito Tettamanti comme investisseur, Markus Somm, votre biographe, comme rédacteur en chef. Ca ressemble plutôt à une stratégie pour s’emparer du quotidien.
Je suis vraiment un homme tout puissant (rire). La situation à Bâle est claire. Le journal local est menacé. Je sais que le groupe de la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), et peut-être même Tamedia étaient intéressés. C’est alors que Tito Tettamanti est entré en jeu pour empêcher le rachat de ce quotidien par un groupe de presse. Tout comme il avait déjà fait pour Jean Frey (ndlr : à l’époque éditeur de la Weltwoche) au début des années 2000. Son but est de favoriser la diversité de la presse et d’empêcher le monopole des grands groupes. Une bonne chose pour la démocratie.

Vous voulez combattre les grands groupes. Pourtant, il semble qu’ils sont les seuls à pouvoir maintenir des titres régionaux.
La Weltwoche démontre qu’un titre peut s’en sortir et rester indépendant. L’intégrer dans un grand groupe lui permettrait d’avoir de meilleurs résultats financiers. Mais sa qualité, son indépendance en pâtiraient.

Vous avez un hebdomadaire (la Weltwoche), une télévision sur internet. Vous vous intéressez maintenant à la presse quotidienne. Et il faudrait croire que vous n’avez pas de plans pour vous emparer de certains médias?
Première précision : je n’ai aucune participation dans la Weltwoche. L’UDC avait certes envisagé de créer un quotidien à l’époque. Mais nous avons dû abandonner: partir de zéro était financièrement trop difficile.

Allez-vous alors vous attaquer à la télévision, comme Silvio Berlusconi ?
Je le répète. Cela ne m’intéresse pas d’avoir mon propre journal ou ma propre télévision. Je ne nourris pas les mêmes rêves que les dictateurs d’Allemagne de l’Est. Ce qui me dérange, c’est le monopole des grands groupes de presse ou du service public. La télé publique est avantagée. Le Berlusconi suisse, c’était Moritz Leuenberger. En tant que ministre, il gérait également des nominations et attribuait les concessions pour les radios et télévisions privées. Vous imaginez l’influence!

Mais lui n’a pas lancé de TeleMoritz, alors que vous, vous avez TeleBlocher.
C’est une petite émission de 20 minutes sur Internet qui ne coûte rien. On est bien loin de l’influence des journalistes dans les grands groupes de presse et le service public dont le courant dominant est de centre gauche. Même si ce n’est pas décrété par la direction, les journalistes sont tentés par l’autocensure. S’il ne reste plus qu’un employeur, mieux vaut ne pas le fâcher…Cette monoculture n’est pas bonne pour le débat d’idées et la démocratie directe.

La presse a-t-elle encore du pouvoir, forge-t-elle vraiment les opinions ?
L’influence existe. Nous devons dépenser beaucoup d’argent en annonce pour faire passer notre message. Les autres peuvent compter sur les journalistes.

Vous jouez un peu les « Calimero »…Vos thèmes favoris sont traités dans les journaux.
Je ne me plains pas. Mais lors de la récente campagne concernant l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels la grande majorité des articles et des prises se position nous étaient défavorables. Ce qui me chagrine, c’est de publier des annonces dans des journaux qui écrivent contre nous. Mais comme c’est le prix à payer pour être entendu, je l’accepte.

En fin de compte, c’est ca que vous voulez. Payer moins cher pour vos publicités en instaurant une presse pro-UDC.
Non. Ce qui m’importe, c’est la diversité et l’indépendance des médias. Plus que la question gauche-droite, c’est la question de la diversité qui est centrale.

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