Christoph Blocher: «Je n’ai pas de contacts avec Eric Stauffer

Interview «Tribune de Genève» 3.11.2010

L’ex-conseiller fédéral, de passage à Genève, livre sa stratégie pour l’UDC et milite pour le renvoi des criminels étrangers.

Fusionner l’UDC genevoise et le MCG? Pas question! A l’occasion de sa venue à Genève pour un débat sur le renvoi des criminels étrangers, l’ex-conseiller fédéral Christoph Blocher dément tout contact entre l’Union démocratique du centre et le Mouvement citoyens genevois. Rencontre.

Quel regard portez-vous sur la section genevoise de l’UDC?

Les UDC genevois ont perdu du temps à cause de querelles de personnes, c’est dommage. Ces querelles n’intéressent pas les électeurs. Mais la section est encore jeune, elle est comme un vin qui a besoin de mûrir. Avec la nouvelle présidente, Céline Amaudruz, la situation s’est améliorée.

L’UDC genevoise a laissé le MCG s’emparer du thème des frontaliers. Une erreur?

Oui, peut-être. Je suis un entrepreneur; quand je suis venu à Genève il y a un an, je leur ai dit: ne travaillez pas contre la concurrence. Travaillez pour la Suisse, parlez de la souveraineté suisse et des problèmes avec les étrangers!

Eric Stauffer, président du MCG, dit être en contact avec vous…

Non, ce n’est pas vrai! La dernière fois que je l’ai vu, c’était sur le plateau de Léman Bleu. On s’est dit bonjour, c’est tout. Il n’y a pas de négociations avec le MCG. Stauffer m’a écrit ensuite deux ou trois fois, mais je n’ai pas répondu.

Donc un rapprochement entre l’UDC et le MCG n’est pas prévu?

A Berne, c’est l’UDC qui compte, pas le MCG. Je connais ce genre de groupes, on vit la même situation au Tessin avec la Lega. Ils partagent les vues de l’UDC sur certains points, pas sur d’autres. Ces groupes se créent quand la section UDC ne travaille pas bien, puis ils régressent ou disparaissent.

L’UDC genevoise souffre aussi de son manque de leaders…

Oui, on n’en voit pas encore émerger. C’est le problème avec les jeunes sections, même si, en Valais, on a Oskar Freysinger, par exemple. A Genève, Yves Nidegger a voulu entrer au gouvernement. Mais c’est trop tôt! Il faut d’abord lutter comme parti d’opposition, se renforcer dans les Parlements avant de songer au Conseil d’Etat. Les partis bourgeois promettent de discuter avec l’UDC, de l’aider… Mais j’ai l’expérience de la politique, je connais ces promesses faites au moment des élections.

Vous visez 30% des voix aux élections fédérales 2011. A Genève, l’UDC a fait 20% en 2007. Quel est votre objectif cantonal?

On ne vise pas 30% dans tous les cantons: certains font plus, d’autres moins, là où les sections sont plus jeunes. Pour Genève, le but sera de faire mieux qu’en 2007.

Les opposants à votre initiative sur les délinquants affirment qu’elle ne respecte pas le droit international. Que leur dites-vous ?

C’est faux. Elle est compatible avec le droit international contraignant qui proscrit la torture et le refoulement de réfugiés reconnus. Mais de toute manière aujourd’hui, si quelqu’un n’est pas d’accord, il dit toujours que le droit international interdit ceci ou cela, mais c’est faux. On peut être amené à négocier tels ou tel point avec un pays, c’est tout.

S’il est condamné un criminel étranger paye deux fois : une fois par la prison, une fois par l’expulsion. Un Suisse criminel ne paye qu’une fois. Normal ?

Mais oui ! Tous les pays expulsent les criminels étrangers, les USA par exemple. C’est de la responsabilité d’un pays de reprendre ses citoyens qui se conduisent mal. Et parfois, un pays expulse même si un crime n’a pas été commis : on le voit en France avec les Roms.
Un étranger de la deuxième ou de la troisième génération née en Suisse subirait le même sort. C’est normal aussi ?
Oui, mais il peut tout faire pour ne pas être criminel, et il peut demander sa naturalisation. Les chiffres sont très clairs : nous avons 22% d’étrangers en Suisse, or ils commettent 59% des crimes graves, 54% des lésions corporelles, 62% des viols. Il faut agir. Mais notre initiative a surtout un effet dissuasif. Parce qu’aujourd’hui, les étrangers criminels n’ont pas peur de faire de la prison ici, avec la télévision en cellule et un bon menu. Mais chez eux, c’est une autre affaire…

Vous liez le crime et la nationalité. Mais les étrangers sont aussi proportionnellement plus pauvres, moins formés que les Suisses. Vous pourriez déclarer la guerre aux inégalités pour diminuer la criminalité…

Ces causes existent peut-être, mais il faut surtout diminuer la criminalité étrangère qui est considérable et n’est pas engendrée par des Allemands, des Autrichiens ou des Français, il faut le dire. Les étrangers et l’ouverture des frontières sont liés à beaucoup de problèmes : ceux de l’assurance invalidité, du chômage, le trafic routier. Il faut corriger la situation. Cela se fait en Hollande, et en Allemagne ou Angela Merkel a dit que la société multiculturelle était finie. Ici, l’UDC est le seul parti à défendre la souveraineté suisse et le non-entrée dans l’Union européenne.

En tant qu’entrepreneur vous savez que la prospérité suisse est aussi liée à la main d’œuvre étrangère.

Oui et non. On doit chercher d’abord des employés en Suisse. Evidemment, c’est plus pratique pour un entrepreneur d’avoir plus de monde à disposition pour faire ses choix. Mais après, c’est le pays qui paye.

Pour expulser, il faut signer des accords de réadmission. Visiblement, c’est difficile. Que faire ?

Il faut négocier avec les pays concernés et bloquer l’aide au développement si cela ne marche pas. Si on veut, on peut faire beaucoup de choses, je l’ai vu au Conseil fédéral !

Si votre initiative est conforme au droit international, pourquoi les Chambres ont-elles présenté un contreprojet ?

Pour priver l’UDC d’un succès ! Ils nous disent toujours : « Nous sommes d’accord avec vous, mais… ». Mais quoi ? Leur contreprojet ne dit pas combien de temps un étranger expulsé doit rester hors de Suisse. Il peut faire recours. Cela peut durer des années. Le contreprojet cherche en fait à ne renvoyer personne.

De plus en plus, des initiatives fédérales jouent avec les limites du droit international. Selon vous, la souveraineté du peuple l’emporte toujours sur le droit international ou y a-t-il une limite ?

Il y a une limite, le droit international contraignant.

La peine de mort n’est pas interdite par ce droit. Vous auriez voté pour un rétablissement si l’initiative en sa faveur était passée devant le peuple ?

Non, je suis contre. Il y a trop d’erreurs judiciaires possibles. Mais ce genre de proposition reviendra toujours, c’est un sujet émotionnel et quand des crimes horribles sont commis, certains y pensent.

Le PSS vient de publier son nouveau programme. Il réclame notamment la fin de l’armée et la rupture avec le capitalisme. Pour vous, ce parti garde-t-il sa place au Conseil fédéral ?

Quand le PSS a annoncé qu’il voulait supprimer l’armée, j’ai cru que j’avais mal entendu ! C’est absurde. Le PS veut retourner au communisme. Comment peut-on chercher des compromis avec lui? Cela dit, arithmétiquement, le PS a sa place au Conseil fédéral. Mais il faut voter pour nous bien sûr! Après les élections, je pense qu’il faudra discuter avec les quatre grands partis d’une réforme de notre système. La concordance a bien-sûr des avantages, mais on peut envisager d’aller vers un système bipolaire, avec des majorités et des minorités. On verrait mieux les responsabilités des uns et des autres.

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