Notre initiative entend uniquement consolider l’AVS

Christoph Blocher défend l’initiative sur l’or et attaque le contre-projet du Conseil fédéral

Interview dans L’Agefi du 10 septembre 2002

Le tribun dénonce avec véhémence la Fondation Suisse solidaire, qualifiée de pur “self-service” distribuant de l’argent sans contrôle.

Edgar Bloch

Le peuple devra se prononcer le 22 septembre sur l’initiative sur l’or lancée par l’UDC. Celle-ci propose de transférer les réserves monétaires excédentaires ou les revenus qui en seront tirés au fonds de compensation de l’AVS. Les modalités seront fixées par la loi.

Pour faire le point sur cet objet, auquel s’oppose le Conseil fédéral qui présente un contre-projet, le conseiller national (UDC/ZH) Christoph Blocher répond à nos questions.

Monsieur Blocher, le Conseil fédéral reproche à votre initiative de dépenser une fois pour toutes le capital constitué par la réserve d’or de la BNS. Que rétorquez-vous à cette critique?
Christoph Blocher:
Le Conseil fédéral ne dit pas ça. L’initiative sur l’or prévoit que le capital tiré des réserves d’or excédentaires de la BNS ne restera pas seulement à disposition durant 30 ans, mais pour toujours. Les revenus sont versés pour l’AVS et non pour la Fondation Suisse solidaire. L’initiative laisse deux possibilités au législateur: le capital de l’or reste en possession de la BNS ou va dans le fonds de l’AVS.

Dans les deux cas, si l’on place à un taux moyen de 5% par an, cela produit un rendement d’un milliard de francs par an, pour une durée indéterminée. L’initiative sur l’or ne préconise pas une distribution de rentes aux habitants mais entend uniquement consolider l’AVS. On aurait pu verser directement à chaque personne en Suisse 3000 francs. Nous n’avons pas retenu cette idée. Un nouveau-né ne peut pas recevoir autant qu’une personne de 70 ans qui a cotisé toute sa vie. Et puis l’injection de vingt milliards de francs dans l’économie pourrait provoquer une surchauffe. En plus, le capital sera dépensé un jour. Avec l’initiative sur l’or, chacun payera moins pour l’AVS. Avec un milliard de francs par an, il n’est pas nécessaire d’augmenter la TVA, au minimum pendant dix ans.

Que dit le Conseil fédéral? Il veut utiliser 7 milliards de francs sur 20 milliards pour une Fondation. A 5% par an, cela représente 350 millions de francs par an, soit 3,5 milliards de francs dans dix ans ou 10,5 milliards de francs dans trente ans. Et par la suite, il sera possible de répartir la fortune à raison d’un tiers pour les cantons, un tiers pour le Conseil fédéral et un tiers pour l’AVS. Ce sera dilapidé.

Votre initiative est-elle vraiment solidaire, s’il faut de toute façon augmenter les taux de la TVA?
Blocher
: La plus grande institution de solidarité en Suisse est l’AVS, selon un mécanisme qui voit les riches payer le plus pour les pauvres qui perçoivent aussi le plus. Nous avons une responsabilité pour le bien-être de tous dans notre pays. Ici nous parlons de la fortune du peuple. Il ne s’agit pas de cadeaux, même si c’est toujours agréable d’en distribuer.

Que l’on privilégie l’AVS me semble plus nécessaire que jamais avec les incertitudes économiques actuelles. Les jeunes se demandent s’il y aura encore suffisamment d’argent pour payer les rentes dans quarante ans. Voyez la discussion sur les taux à la baisse du 2e pilier avec le recul des bourses. La même remarque vaut d’ailleurs pour le 3e pilier où les rendements sont bien en dessous de l’an passé. Il est donc nécessaire d’utiliser ce que nous avons. Notre initiative permet aux individus de subir moins de réductions de leur salaire. Elle ne vise qu’à améliorer la situation qui permet aux Suisses de payer environ un milliard de francs de moins par an.

L’attitude du gouvernement est typique de la mentalité dominante en cours chez nos politiciens: ils se contentent de répéter que c’est insuffisant pour l’AVS. C’est pour ces raisons que la Confédération est endettée pour plus de 100 milliards de francs, que nous dépensons deux milliards de francs pour Swiss et un milliard de francs pour l’Expo.

Votre initiative ne pénalise-t-elle pas les cantons qui ont pourtant un droit aux bénéfices de la BNS?
Blocher
: Les cantons ne bénéficient pas d’un droit sur ces réserves. Ils perçoivent deux tiers des bénéfices des revenus de la BNS qui sont nécessaires à sa politique monétaire. Aujourd’hui, ils ont profité de l’augmentation des bénéfices de ces réserves passées de 1,5 milliard à 2,5 milliards de francs, répartis à raison d’un tiers à la Confédération et de deux tiers aux cantons. Dès 2003, les gouvernements cantonaux disposeront de 700 millions de plus qu’aujourd’hui de la part de la BNS. On leur verse donc beaucoup d’argent. Si on leur redistribue encore 300 millions de francs par an, comme le préconise le contre-projet du Conseil fédéral, ils ne diminueront en rien leurs dettes et leurs impôts. Au contraire, cette proposition augmente la quote-part de l’Etat, ce qui constitue un problème pour l’économie et le maintien de places de travail.

Mais la Fondation Suisse solidaire n’a rien à voir avec le génocide nazi; elle est complètement tournée vers l’avenir.
Blocher
: Non, il est écrit que ces montants seront versés aux héritiers des victimes de génocides et du racisme, et d’encore beaucoup d’autres choses. On peut faire tout ce qu’on veut avec cette Fondation. Les cercles américains qui ont exercé des pressions ne cessent de nous répéter que nous leur avons fait des promesses. Il est évidemment impossible au Conseil fédéral de revenir sur ce qu’il a promis, mais le peuple est souverain et a tout loisir, lui, de dire non. La loi voulue par le contre-projet permet à l’étranger de nous dicter à quelles fins les montants seront affectés, pour moitié à l’étranger et aussi aux héritiers de génocides passés. Ce sera un vrai self-service.

Que la Fondation soit explicitement obligée de soutenir pour moitié des bons projets en Suisse ne revêt aucun intérêt pour vous?
Blocher
: Naturellement, on peut trouver deux mille choses à soutenir, mais d’une part l’argent manque à l’AVS et d’autre part, il faut dire au peuple qu’on augmente les taxes. J’entends déjà chaque politicien formuler ses propositions: en faveur des mères célibataires, des jeunes, contre la lèpre, pour la culture, etc. Tant de choses méritent de l’aide. On distribuera trois cents millions de francs par-ci, par-là, sans le moindre contrôle démocratique. L’initiative sur l’or incite chacun à faire preuve de davantage de soutien individuel envers des institutions comme la Chaîne du Bonheur, par moins de TVA et de charges sociales prélevées sur les salaires.

Le Conseil fédéral vous reproche de mettre en péril l’indépendance monétaire de la BNS?
Blocher:
C’est un argument non fondé. Ce n’est pas nous mais la BNS qui a décidé qu’elle disposait de 20 milliards de francs de trop. C’est la BNS qui décide qu’elle a des réserves qui ne lui sont plus nécessaires. L’indépendance monétaire est beaucoup plus mise en péril par les cantons et la Confédération qui veulent aller chercher et trouver l’argent à la BNS. Le Conseil fédéral exerce son influence sur la BNS parce qu’il en désigne le président. Et s’il s’avère que celui-ci est très faible, c’est un facteur négatif pour la BNS. Je regrette ainsi que celle-ci ait versé en son temps 100 millions dans le Fonds suisse en faveur des victimes de l’Holocauste avec les autres banques. Le fonds est aussi le résultat du chantage.

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