Une majorité de hasard

Interview dans Le Temps du 11 juin 2001

Sans être mauvais perdant, Christoph Blocher relativise la défaite qu’il a subie. Le président de l’ASIN menace de revenir à la charge avec un référendum contre la réforme Armée XXI si Samuel Schmid ne tient pas ses promesses. Par Stéphane Zindel, Berne


Le vote a été serré. Iriez-vous jusqu’à parler de majorité de hasard?

Christoph Blocher
: Il s’agit indiscutablement d’une majorité de hasard. Nous aurions tout aussi bien pu gagner. On peut comparer la situation à celle de la votation sur l’Espace économique européen (EEE) en 1992 où une très faible majorité du peuple nous avait en l’occurrence donné raison. Comme à l’époque, la majorité des cantons a nettement refusé le projet.

Ce qui ne joue aucun rôle cette fois-ci, car la majorité simple suffisait. Ce résultat n’en est pas moins la première défaite significative de l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) devant le peuple…
Blocher
: Non, nous avions déjà perdu la votation sur l’adhésion au Fond monétaire international et à la Banque mondiale en 1992.

Mais vous n’aviez de loin pas jeté toutes vos forces dans la bataille comme cette fois-ci…
Blocher
: 49% de non alors que le Conseil fédéral a pratiquement fait du scrutin un plébiscite ces derniers dix jours, cela se laisse regarder.

La bataille Armée XXI paraît toutefois perdue pour vous…
Blocher
: Nullement. Samuel Schmid n’a gagné que parce qu’il s’est clairement engagé durant la campagne à ne pas affaiblir la neutralité, à maintenir l’armée de milice et à ne pas s’acoquiner avec l’OTAN. Nous le prenons au mot. On verra concrètement dans le projet de loi Armée XXI s’il tient ses promesses ou s’il maintient la doctrine nouvelle qui sous-tend la réforme. S’il devait revenir sur ses promesses, il peut compter sur un nouveau référendum.

Votre défaite est accentuée par le fait qu’une partie non négligeable de non provient, spécialement en Suisse romande, de milieux pacifistes ou du moins critiques à l’égard de l’armée…
Blocher
: L’essentiel des non provient de la droite. Le fait que les régions urbaines aient voté oui est la preuve que l’électorat de gauche a majoritairement soutenu Samuel Schmid. A l’inverse, la grande majorité des cantons qui ont dit non ne sont clairement pas des cantons hostiles à l’armée.

Bien que la campagne n’ait guère porté sur l’ONU, le vote d’aujourd’hui semble montrer que la Suisse est mûre pour y entrer. On imagine mal que des gens qui ont voté oui aujourd’hui, voteront non à l’adhésion à l’ONU…
Blocher
: Je connais des radicaux qui ont soutenu les deux objets militaires aujourd’hui et qui diront non à l’adhésion à l’ONU. Celle-ci remettrait en cause notre neutralité car elle soumettrait la Suisse aux décisions du Conseil de sécurité.

Vous ne croyez pas que la bataille de l’ONU soit perdue?
Blocher
: Le combat sera plus difficile car l’UDC sera seule contre tous. Cela dit, le premier scrutin sur l’adhésion à l’ONU en 1986 était extrêmement net (76% de non). En outre, quand bien même une majorité du peuple serait aujourd’hui favorable à l’adhésion, je vous rappelle qu’une double majorité sera nécessaire.

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