Christoph Blocher, dessine-moi ta Suisse…

Interview dans L’Hebdo du 26 août 1999


Qu’est-ce qui se passe dans la tête de Christoph Blocher?
Que veut-il, que cherche-t-il, quelle Suisse souhaite-t-il à ses concitoyens?

Propos recueillis par Marie Abbet, Pierre-André Stauffer et Michel Zendali

Qu’est-ce qui se passe dans la tête de Christoph Blocher? Que veut-il, que cherche-t-il, quelle Suisse souhaite-t-il à ses concitoyens? Aujourd’hui, toute la vie politique tourne autour de lui, rien ne se fait sans qu’on cherche à savoir ce qu’il pense et les sondages lui promettent un triomphe aux prochaines élections fédérales. Porte-drapeau d’une nouvelle droite qui défie les représentants officiels des partisbourgeois, trouble le jeu politique installé, asphyxie l’extrême droite et entame l’audience de l’extrême gauche, sa présence touche les coeurs, les échauffe. Il est l’homme des foules, l’homme-foule sorti des masses, le contraire du politicien élevé dans le sérail. Il ne représente pas le peuple, il est le peuple par excellence. C’est du moins l’impression qu’il donne ou qu’il veut donner. La tiédeur, cette grande vertu de la vie normale, est pour lui une faiblesse mortelle, un luxe fatal.

 

Capable de dire en trois phrases ce que l’ordinaire langue de bois emberlificote en vingt feuillets compacts, il dérange, il irrite et il fait peur. Ses adversaires le traitent volontiers de “populiste”. Mais si le populisme consiste à être compris des hors-caste, des hors-classe politique, il revendique volontiers le terme.

 

D’où vient-il? Comment vivait-il en famille, avec ses dix frères et soeurs? Il voulait être paysan, il est devenu industriel. Il est l’homme politique le plus influent du pays, mais il sait qu’il n’entrera jamais au Conseil fédéral. On pourrait croire qu’un meneur de sa trempe ne connaît pas l’incertitude. C’est tout le contraire qui est vrai. Même s’il n’en laisse rien voir en public, l’hommel est hanté par le doute. Au point d’en devenir insomniaque.

 

 

Biographie

 

– Né le 11 octobre 1940 à Schaffhouse.

– Prénommé Christoph Wolfram, il est le septième enfant d’une famille qui en comptera onze.

– Enfance à Laufen am Rheinfall, où son père, pasteur, cultive une vocation rentrée de linguiste et philologue.

– A partir de 1963, études de droit à Zurich

– 4 octobre 1967, mariage avec Silvia Kaiser

– 1968, Christoph Blocher présente une thèse de doctorat sur l’aménagement du territoire. Il a déjà trouvé un emploi de juriste dans ce qui deviendra EMS Chemie.

– Dans la commune de Meilen, où il s’est établi avec sa femme et ses quatre enfants, il est élu en 1974 au Conseil communal.

– L’année suivante, il entre au Grand Conseil.

– En 1977, il prend la présidence de la section cantonale de l’UDC et, en 1979, il est élu pour la première fois au Conseil national.

– 1983: avec l’aide des banques et en engageant tous ses biens, il rachète EMS menacée de passer en mains américaines.

– 1992: sa plus grande victoire politique. Le peuple suisse repousse l’Accord avec l’Espace économique européen. Christoph Blocher devient l’astre fixe autour duquel tourne toute la politique suisse.

 

 

Enfance et liberté

 

Quelles images gardez-vous de votre enfance?

 

Blocher: La vie était dure. Mon père était pasteur et, à cette époque, les pasteurs gagnaient mal leur vie. Nous ne mangions de la viande qu’une fois par semaine. Pensez, onze enfants à table… Mais je garde le souvenir d’une époque heureuse, une impression de grande liberté, peut-être justement parce que nous étions si nombreux. Quand j’étais un petit garçon, ma mère m’habillait, me déposait devant la porte et je faisais ce que je voulais jusqu’à l’heure du repas.

 

Votre soeur Judith ne partage pas votre enthousiasme…

 

Blocher: Judith trouve que nos parents ne se sont pas assez occupés de nous. Son point de vue est intéressant et je n’ai pas d’animosité contre elle. J’ai vécu les choses autrement, c’est une question de perception, de sensibilité. Cela dit, mes parents ont certainement aussi commis des erreurs.

 

Etiez-vous un enfant sage?

 

Blocher: Pas vraiment! J’ai eu une crise d’adolescence très forte. J’ai quitté la maison à 15 ans, parce que je voulais devenir paysan. J’ai deux sortes de frères et soeurs. Ceux qui ont eu une adolescence rebelle comme la mienne, comme mon frère pasteur, et les enfants modèles, comme Judith. Et ceux-ci ne se sont pas libérés de la maison, de l’image de nos parents. Ils en souffrent encore aujourd’hui, moi j’ai coupé le cordon.

 

Comment décririez-vous votre père?

 

Blocher: C’était un homme sévère, très sérieux et très intelligent. Il s’intéressait à tout: littérature, histoire, musique. En fait, je crois qu’il a souffert d’être pasteur. Par esprit de discipline, il a fait son devoir. Il s’engageait pour la communauté, convaincu que son ministère était important. Mais je pense qu’il aurait voulu être linguiste. Mon grand-père avait aussi de nombreux talents. Il s’est battu auprès du gouvernement français pour que la Légion étrangère puisse avoir un pasteur. Faute de candidats, il a fini par s’engager. Après l’Algérie, mon grand-père a exercé à Sion et à Zurich.

 

Et votre mère?

 

Blocher: Mon père n’avait pas l’esprit pratique, ma mère assumait le quotidien. Mon père vient d’une famille d’intellectuels, d’une lignée de professeurs et pasteurs. La famille de ma mère était des paysans zurichois. Ils étaient deux extrêmes, même physiquement. Elle était très gaie, petite, plutôt ronde comme moi. Mon père était grand et maigre. Mes frères et soeurs ont soit tiré du côté de ma mère, soit de mon père. Mon frère pasteur et moi sommes du type maternel, enjoué et communicatif.

 

 

De la ferme à l’usine

 

Pourquoi vouliez-vous devenir paysan?

 

Blocher: Par amour de la nature et de la liberté. Notre voisin était paysan et, enfant, j’étais toujours fourré chez lui. J’ai encore la nostalgie du métier. J’avais une ferme à côté de l’usine, mais je n’avais pas le temps de m’en occuper.

 

Votre père était-il d’accord avec cette idée?

 

Blocher: Non, et il avait raison. Il me disait: “Pourquoi veux-tu devenir paysan, alors que nous n’avons pas de ferme? Tu seras au mieux valet de ferme.”

 

Paysan, n’était-ce pas plutôt une réaction contre l’atmosphère familiale, si intellectuelle?

 

Blocher: C’est possible. Même si j’ai un titre de docteur, je suis attiré par les métiers manuels.

 

Après l’école d’agriculture, vous avez étudié le droit. Comment avez-vous atterri à EMS Chemie?

 

Blocher: Après ma licence, je voulais faire mon doctorat, mais je devais gagner ma vie. Je connaissais le patron d’EMS, ses enfants avaient fait la maturité avec moi. Il m’a proposé un mi-temps au service juridique. Je n’avais pas l’intention de rester, je voulais devenir juge. Je ne connaissais rien à l’économie. A la maison, on ne parlait pas de ces choses-là. Mais lorsque j’ai rendu ma thèse, après deux ans, j’étais déjà vice-directeur et je suis resté.

 

Vous avez ensuite racheté l’entreprise. Pourquoi?

 

Blocher: En 1978, à la mort du patron, il n’y avait personne pour lui succéder. L’entreprise était au bord de la faillite, à cause de la crise du textile. En 1983, les héritiers ont décidé de vendre EMS à une société américaine. Il y avait ces familles, ces 700 emplois… On m’a donné trois semaines pour trouver un autre acheteur. J’ai frappé à la porte des banques, des entreprises, personne n’osait prendre le risque. J’ai dû acheter la société, à condition de tout engager: ma maison, mon jardin, tout. Je n’avais plus rien, sauf une montagne de dettes.

 

Comment a réagi votre femme?

 

Blocher: Elle a pleuré. Nos quatre enfants avaient entre six et treize ans. Je lui ai dit: “S’il m’arrive quelque chose, tu dois refuser l’héritage.” Et ça a marché. Quand vous avez le choix entre avoir du succès ou plonger, cela vous donne de la force.

 

C’était un pari?

Blocher: Pire. Comme si vous vous jetiez à l’eau sans savoir nager. Mais vous apprenez vite. J’ai réuni les employés et je leur ai dit: “Si je coule, vous coulez aussi. Si on travaille bien, je peux payer les intérêts, rembourser les dettes.” Et ils ont pris leur courage à deux mains. On ne devrait jamais aider les entreprises. Jamais. Cela fait partie de la nature d’un entrepreneur de se débrouiller seul.

 

 

Dieu, la foi et moi

 

Avez-vous pensé à devenir pasteur?

 

Blocher: Moi? Jamais! J’avais trop envie de pouvoir respirer, de liberté.

 

Parliez-vous religion avec votre père?

 

Blocher: Oui, souvent. Mon père avait une théologie très claire. Il m’a transmis une phrase que j’ai comprise des années plus tard, grâce à la politique: “Méfie-toi des doux et des dévots.” Le théologien Karl Barth était un ami de la famille et j’assistais aux discussions. Mon père disait: “Le petit est encore là, la bouche ouverte, à écouter! Il ne comprend rien, mais s’il veut rester, qu’il reste.”

 

Etes-vous croyant?

 

Blocher: Qu’est-ce que ça veut dire, croyant? C’est aussi une question que posait Karl Barth. L’important n’est pas de savoir si l’homme croit en Dieu, mais de savoir que Dieu croit en l’homme. La rédemption vient d’en haut, en non l’inverse. Tous les hommes seront sauvés. Le peintre Anker, que j’apprécie, a cherché aussi à montrer que le monde n’est pas damné. Je m’intéresse aux questions religieuses, mais je ne suis pas un homme religieux. Karl Barth disait d’ailleurs: “Le christianisme n’est pas une religion.”

 

Vous ne diriez pas: “Je crois en Dieu”?

Blocher: Pas volontiers, même si j’y crois. Je me méfie des dévots…

Est-ce que vous priez?

 

Blocher: Oui. Parce que j’ai des doutes et que je dois parfois retrouver la certitude que nous serons sauvés.

 

On dit que vous êtes un dur en affaires et en politique. N’est-ce pas en contradiction avec l’esprit de charité?

 

Blocher: Non, au contraire. Je ne suis pas motivé par l’argent, j’en ai assez. Mais j’assure un salaire à 2700 familles, je dois donc être dur et conséquent. Si quelqu’un fait mal son boulot, il est peut-être nécessaire de le licencier. C’est mon devoir et c’est aussi cela la charité. En politique, je veux représenter quelque chose qui permette à la Suisse d’aller mieux. C’est ma conviction. Elle est peut-être fausse, mais je ne vois pas de contradiction.

 

 

Les doutes et les regrets

 

Doutez-vous de vous-même ou de vos choix?

 

Blocher: Je doute tout le temps. Je ne fais même que cela et je pense que c’est ma force. Evidemment, je ne montre pas mes doutes, surtout pas au Conseil national. Je suis un homme intuitif. Mais dès que j’ai pris une décision, je me pose mille questions, je décortique tout. Quand mes détracteurs m’opposent des arguments, je peux y répondre, parce que ce sont des questions que je me suis déjà posées. Cela dit, ce n’est pas agréable de vivre avec quelqu’un qui doute autant.

 

Ces doutes vous empêchent-ils de dormir?

Blocher: Oui, je souffre d’insomnies. Je me lève à une heure du matin, pour marcher, réfléchir. Je ne peux quand même pas réveiller ma femme chaque fois. J’ai aussi des amis, mais face à ses propres doutes, on est toujours un homme seul.

Avez-vous même eu des doutes sur l’Europe?

Blocher: Naturellement! Je réexamine continuellement les positions que je défends. Celles sur l’Europe ou la politique étrangère aussi.

 

Pourquoi ces doutes?

 

Blocher: Parce qu’on se demande toujours si l’on peut être seul à avoir raison.

 

Regrettez-vous certaines choses?

 

Blocher: Je regrette d’avoir blessé certaines personnes. Cela dit, si un mot désagréable m’échappe, je ne vais pas battre ma coulpe pendant des semaines! Mais j’évite d’attaquer les faibles et les femmes. Même si Ursula Koch peut être très blessante…

 

Quand Ursula Koch vous a-t-elle blessé?

 

Blocher: En me traitant de grand danger pour ce pays.

 

Elle n’est pas la seule. Franz Steinegger a qualifié votre style de méthodes dignes de la République de Weimar.

 

Blocher: Je sais, et Couchepin aussi et cela me fait mal. L’ancien conseiller fédéral Friedrich affirme aussi que je ne recherche que le pouvoir. Mais il devrait savoir que quelqu’un qui fait de la politique comme j’en fais n’a aucune envie d’être au Conseil fédéral. Il faut être très gentil avec tout le monde pour devenir conseiller fédéral.

 

Regrettez-vous aussi certaines prises de position?

 

Blocher: A Berne, j’ai dit “oui” beaucoup trop souvent. Vous pouvez rigoler, c’est vrai!

 

Quel est le “oui” que vous regrettez le plus?

 

Blocher: J’ai basté sur la TVA et je le regrette.

Pourquoi?

 

Blocher: Le système est trop bureaucratique. Et il y a un réel danger qu’on en augmente le taux inconsidérément.

 

En tant que membre de la commission des finances, vous aviez pourtant participé à ce compromis…

 

Blocher: Oui, mais je me suis trompé. En revanche, je n’ai jamais regretté mes prises de position sur l’EEE et l’Union européenne.

 

 

Un UDC très radical

 

Pourquoi vous êtes-vous engagé à l’UDC? Vous aviez plutôt le profil d’un radical…

 

Blocher: En 1969, nous nous sommes installés à Meilen. Alusuisse voulait construire un département administratif, juste à l’extérieur du village. Une aberration en matière d’aménagement du territoire. Je sais de quoi je parle, c’était le sujet de ma thèse. Et je m’y suis opposé, à titre privé. L’UDC, les radicaux et les démocrates-chrétiens m’ont alors proposé de rejoindre leurs rangs. En tant que protestant, je n’allais pas m’inscrire au PDC. En fait, j’ai rejoint l’UDC par hasard, pour des raisons de sympathie personnelle. J’aurais aussi bien pu devenir radical.

Vous imaginiez-vous tenir le rôle que vous tenez aujourd’hui?

Blocher: Je ne l’ai jamais recherché. Il est vrai qu’aujourd’hui tous les yeux sont tournés sur moi, mais quand j’ai commencé à l’UDC, j’étais tout seul.

Pourquoi?

Blocher: Rien que l’idée qu’on puisse se battre pour quelque chose était étrangère aux militants UDC. Leur raisonnement était simple: “Voyons, que dit le Conseil fédéral?… Puisque nous sommes dans le gouvernement et que le gouvernement est pour, nous aussi!” Que quelqu’un ose dire “je suis contre pour telle ou telle raison, parce que c’est mauvais pour l’économie, la démocratie ou la Suisse”, ça dépassait leur entendement. C’est d’ailleurs encore le cas, pour la majorité des politiciens. Ils n’ont ni philosophie ni idéal auxquels se raccrocher. Ils siègent au Conseil national, ils constatent que le Conseil fédéral a tel ou tel avis et suivent sans se poser d’autres questions. Tous les politiciens proclament que les Accords bilatéraux sont très importants, demandez-leur ce qu’il y a dedans, ils n’en ont aucune idée. Ils ne les ont pas lus, ils ne les liront jamais, mais ils sont pour. Par principe. Ils savent que c’est important pour l’économie, mais ils ne savent pas en quoi. Mais il est vrai qu’on peut réussir en politique de cette manière. L’UDC a heureusement changé. Zurich a donné le ton et j’ai donné le ton à Zurich.

 

A l’UDC, on ne dit peut-être plus: “Le Conseil fédéral a dit”, mais “Blocher a dit…”

 

Blocher: Oui, il y a un risque, mais j’accepte la critique, même au sein de mon propre parti, même à Zurich. J’aime la confrontation des idées. En Suisse, elle fait cruellement défaut.

 

 

La classe politique

 

Notre pays pèche-t-il par excès de consensus?

 

Blocher: Le problème, c’est que le consensus existe avant même que l’on ait débattu de quoi que ce soit. Je ne suis pas contre le consensus. La preuve: je suis un homme marié. Mais si vous commencez par les compromis, vous êtes fichu! Je vous avoue m’être parfois exprimé à Berne contre une chose, alors que j’étais en fait pour. Simplement parce que j’étais le seul à voir le sujet sous un angle différent. Les conflits sont importants. C’est valable aussi pour le mariage. Il n’y a rien de pire que ces unions harmonieuses où l’on ne se dispute jamais.

 

Selon vous, le modèle politique suisse est-il en crise?

 

Blocher: Non. Je ne remets pas en question le modèle, mais la manière dont il est utilisé. Sur les questions essentielles qui touchent la Confédération, je vois que le gouvernement, le parlement, l’administration et la presse ne forment qu’une seule classe, une “classe politique” au sens large. Comme les journalistes sont depuis une dizaine d’années moins critiques, il a bien fallu que quelqu’un fasse le contrepoids. J’ai donc repris ce rôle.

 

 

Le pouvoir absolu

 

Votre succès est exceptionnel. Toute la politique suisse s’articule autour de vous.

 

Blocher: Vous parlez de mon succès, quel succès? Citez-moi les victoires que j’ai remportées. Je ne fais rien d’autre que de donner mon avis. Et souvent, je suis le seul à le défendre. Au Parlement, en particulier, où il m’est arrivé de me lever, seul contre tous. D’accord, j’ai gagné la votation sur l’EEE. Peut-être cette victoire aurait-elle été impossible si je n’avais pas mené le combat. Cela dit, je répète depuis des années non, non, non aux augmentations d’impôts. En vain. Vous voyez bien que je n’ai pas de succès.

Seriez-vous modeste?

Blocher: Je ne fais pas de fausse modestie, je suis capable de reconnaître mes succès quand j’en ai. Mais je ne suis jamais content de moi. C’est pourquoi je n’ai jamais le sentiment de remporter de vrais succès. Si j’avais l’impression d’avoir atteint mon but, il y a longtemps que j’aurais arrêté la politique.

 

Et quel est votre but?

 

Blocher: Le plus important est que la Suisse puisse toujours décider seule de son destin. et ne se laisse pas lier les mains par l’Union européenne. Je me réjouis de voir que de plus en plus de gens, dans les milieux économiques en particulier, se rendent compte qu’une adhésion serait stupide. Puisque à Berne on persiste à tout faire pour y entrer, je dois encore rester au Conseil national. Je veux aussi que nous fassions machine arrière dans le domaine fiscal. La Suisse doit son exceptionnelle prospérité à un Etat maigre, et pourtant, depuis quelques années, les impôts n’ont cessé d’augmenter. C’est aussi absurde que dangereux.

 

Revenons à votre influence. Suggérez-vous qu’elle est due à votre manière claire de dire les choses, qualité dont les autres politiciens seraient dépourvus?

 

Blocher: Oui, je crois que c’est juste. Le plus important dans un discours, ce n’est pas la bouche, ce sont les yeux. Mais en général le regard des politiciens reste vissé aux papiers qu’ils ont préparés. Vous savez, j’ai quatre enfants. Quand ils étaient petits, je leurs racontais des histoires, de celles qu’on a l’habitude de raconter à des enfants. Elles étaient évidemment écrites en bon allemand, et je devais les traduire en dialecte. Je me suis toujours demandé comment raconter pour qu’ils comprennent. Lorsqu’ils ont eu 10 ou 12 ans, je leur disais: “Asseyez-vous, je vais vous faire une conférence”, et je leur lisais mes discours politiques. Chaque fois qu’ils ne saisissaient pas quelque chose, je savais que j’avais fait une erreur. Parce que les politiciens croient détenir le savoir, ils pensent que les gens sont trop bêtes pour les comprendre. En fait, peu leur importe d’être compris. On croit que je suis un bon orateur, c’est faux. Quand j’entends mes discours, je les trouve épouvantables. Pourtant, ils ont quelque chose, une force de conviction. J’ai beaucoup d’ennemis, parce que je dis toujours ce que je pense. Soit on me déteste, soit on m’aime.

 

 

L’Expo.01

 

De quelle Expo rêvez-vous?

 

Blocher: Il n’est pas nécessaire de faire une Expo. Je pense même qu’actuellement la Suisse n’est pas capable de se montrer dans une Expo. L’insécurité est trop grande.

 

Qu’entendez-vous par là?

 

Blocher: Dans ce pays, trop de gens n’ont pas la même vision de la Suisse, trop de gens veulent une Suisse différente. Les dirigeants de l’Expo ne voulaient pas par exemple montrer l’économie suisse, alors qu’elle est tellement importante. Je comprends les réticences des gens de la culture. Mais la culture aussi ne peut pas se montrer sous un seul aspect. L’Expo est en crise profonde, et cela n’a rien à voir avec Jacqueline Fendt.

 

N’est-ce pas normal que les opinions divergent?

 

Blocher: Bien sûr, mais on peut au moins montrer ces divergences. Les dirigeants de l’Expo avaient en fait un concept: montrer une Suisse qui n’existe pas! Ils ont refusé les projets des paysans. Sous-entendu: “Nous allons apprendre aux paysans ce qu’est un paysan.” Mais les paysans sont comme ils sont! Si on n’a pas la force de montrer la réalité, autant renoncer à l’Expo. Nous avions besoin d’une crise comme celle-là. Elle nous ouvre les yeux.

 

De quelle façon?

 

Blocher: Elle nous montre que nous devons retourner à la réalité, retrouver la Suisse réelle.

 

 

Sa Suisse idéale

 

N’est-il pas légitime de rêver à une Suisse idéale?

Blocher: Bien sûr. Mais vous rêvez d’une autre Suisse que moi et la Suisse idéale de Pipilotti Rist n’est peut-être pas la mienne.

 

Quelle est donc votre Suisse idéale?

 

Blocher: Une Suisse qui s’appuie sur les valeurs fondatrices qui ont fait notre force: le fédéralisme, la démocratie directe et l’Etat libéral. Et qui laisse une grande liberté aux individus. On croit toujours qu’il faut dire aux gens ce qu’ils peuvent, doivent, devraient faire.

 

Ce n’est pas la Suisse idéale, c’est la Suisse immuable…

 

Blocher: Pas du tout. Ces fondements sont très modernes, même s’ils existent depuis longtemps. Je peux m’imaginer une cathédrale qui soit en travaux pendant mille ans, mais pas une cathédrale dans laquelle on supprimerait l’essentiel. C’est ça, le conservatisme.

 

Avez-vous l’impression que la “classe politique” est en train de saborder cet héritage?

 

Blocher: Oui. La classe politique croit que les grandes structures organisées, comme l’Union européenne, sont la panacée, le futur de la Suisse. Alors que ce n’est même pas le futur de l’Europe.

 

Vous voyez-vous comme un protecteur de ces valeurs?

 

Blocher: Oui, c’est ainsi. Je dois d’ailleurs malheureusement consacrer toute mon énergie à protéger ces valeurs, au lieu de pouvoir les développer et les enrichir. A Berne, beaucoup veulent par exemple supprimer la neutralité. On devrait plutôt donner une force nouvelle à la neutralité. Nous avons un corps d’aide en cas de catastrophe. Il devrait être beaucoup plus grand, plus professionnel. Notre bon Ogi veut envoyer une centaine de soldats au Kosovo. Mais les autres pays peuvent faire comme nous, si ce n’est mieux.

 

La Suisse peut-elle décemment se confiner dans un rôle d’infirmière de la planète?

 

Blocher: Et pourquoi pas? Elle peut au moins faire quelque chose que les autres ne peuvent pas faire. Vous ne croyez quand même pas que nous servons à quelque chose au Kosovo, avec nos trois hélicoptères?

 

 

Le populiste

 

On sent chez vous une certaine jubilation à faire de la politique…

 

Blocher: En soi, la politique ne me plaît pas vraiment. A Berne, je m’ennuie à mourir. Il y a un aspect de la politique qui me passionne, c’est la confrontation d’idées, les échanges intellectuels. Malheureusement, on ne discute plus au Parlement fédéral. On y entend bien des discours, mais préparés donc attendus. Et personne n’écoute. Je préfère les campagnes autour des votations importantes.

 

C’est pour ça que vous avez lancé cette initiative qui attaque directement le Parlement et le gouvernement?

 

Blocher: On s’est mépris sur cette initiative. Je n’y attaque ni le Parlement ni le gouvernement; je veux simplement qu’on traite les initiatives populaires dans un délai de six mois, soit beaucoup plus rapidement qu’on ne l’a fait jusqu’ici. Je crois aux vertus de la démocratie directe. Mes adversaires me font penser à Escher, la grande figure radicale du siècle dernier, qui disait que la Suisse deviendrait ingouvernable avec la démocratie directe, qu’on allait vers le gouvernement du peuple, autrement dit des crétins…

 

Ce recours au peuple, c’est précisément du populisme…

 

Blocher: Le même peuple qui lance une initiative serait-il trop stupide pour se prononcer sur elle, même si le Parlement et le gouvernement n’ont eu que six mois pour donner leur avis? Prenez l’initiative sur l’adhésion à l’Union européenne. Dieu sait que ce n’est pas moi qui l’ai lancée mais pourquoi tarde-t-on tellement à la soumettre au peuple? Les Suisses veulent-ils de l’UE ou non? J’aimerais bien le savoir aussi. Mais on tergiverse, on fait des plans secrets, des calculs tactiques. Bref, on attend le bon moment.

 

Vous n’admettez pas qu’en démocratie on prenne le temps de la réflexion, de la construction de majorités, de consensus…

 

Blocher: Bien sûr. Mais je pense que Berne traîne les pieds uniquement par opportunisme. Regardez notre initiative qui veut rendre plus rapide le traitement des initiatives. Ici, l’opportunisme consiste à accélérer le mouvement. La récolte de signatures n’a pas encore commencé que déjà le Conseil fédéral proclame qu’elle met en danger la démocratie. Vous voyez bien que le gouvernement peut prendre position très vite.

 

Vous admettez donc que vous êtes populiste…

 

Blocher: Il y a deux sortes de populistes. Le premier, c’est celui qui dit toujours ce que le peuple veut entendre. Je ne le suis pas. J’ai des convictions, j’essaie de convaincre les gens de les partager. Le deuxième, c’est celui qui, à la manière de Rousseau, fait toujours appel au peuple qui est la seule légitimité contre le Parlement ou le gouvernement. Je ne suis pas de cette trempe non plus. Je juge que ces deux institutions sont nécessaires. Cela ne veut pas dire que je respecte tout le monde au Conseil fédéral ou au Parlement et surtout pas ceux qui ne font pas leur devoir. Si on me décrit comme populiste, c’est parce que j’ai cessé de vouloir convaincre le Parlement et le gouvernement de mes idées. C’est du temps perdu.

 

 

Ogi, Blocher et les autres

 

A vous entendre, on a le sentiment que vous êtes favorable à un système politique d’alternance?

 

Blocher: Je ne suis pas pour un changement radical. Je pense cependant que la politique gagnerait en clarté s’il n’y avait que deux ou trois partis au gouvernement et une opposition, clairement désignée comme telle, que ce soit nous ou les socialistes. Aujourd’hui, les principaux partis politiques ont les mains liées parce qu’ils ont un ou plusieurs représentants au gouvernement et qu’ils ne peuvent pas jouer leur rôle. Le sel de l’opposition est absolument nécessaire à la démocratie.

 

Si vous gagnez lors des prochaines élections, serez-vous dans l’opposition ou dans le gouvernement?

 

Blocher: Si on veut bien de l’UDC, nous sommes prêts à assumer nos responsabilités. Sinon, nous serons dans l’opposition. A Berne, certains veulent nous chasser du gouvernement. Cela pousse des gens de mon parti à se montrer modérés. Or, je leur dis que nous ne seront forts qu’à condition d’être prêts, à chaque instant, à quitter le Conseil fédéral. Nous ne gagnerons pas grand-chose en octobre. On dira qu’Ogi peut rester mais, quoi qu’il en soit, même si nous écrasons le PDC, jamais on ne nous donnera un deuxième siège. Pour les partis, c’est toujours plus commode de gouverner sans opposition. Si nous étions dans l’opposition depuis quelques années, la droite aurait déjà éclaté parce que nous sommes une vraie opposition bourgeoise.

 

Si vous gagnez, votre problème avec votre représentant au Conseil fédéral Adolf Ogi va devenir insurmontable…

 

Blocher: Ogi doit porter sa croix. Je lui ai dit: “Tu es dans le gouvernement; fais ton devoir.” Notre devoir à nous, en tant que parti, c’est de nous opposer. Pas sur tout, évidemment, mais sur quelques grandes questions: l’Europe, la neutralité. Je sais que cela sera dur pour lui, mais c’est insoluble.

 

Cela sera pire encore si votre deuxième conseiller fédéral est de la même sensibilité qu’Adolf Ogi…

 

Blocher: Evidemment. Parce que je suis sûr que dans l’hypothèse – improbable – où le Parlement choisirait un deuxième UDC, il le prendra parmi ceux qui ne partagent pas mes opinions. Mais dans ce cas-là, nous ferons plus d’opposition encore…

 

Suite à l’affaire Bellasi, pensez-vous qu’Adolf Ogi doive démissionner?

 

Blocher: Non, mais il faut faire toute la lumière sur cette affaire.

 

 

A l’extrême de la droite

 

Votre parti est en train de faire disparaître l’extrême droite en la digérant. Ne craignez-vous pas d’être débordé par les racistes et les antisémites?

 

Blocher: Avec le Parti des automobilistes, qui sont tous d’anciens radicaux, je n’ai pas de problèmes particuliers. Avec les Démocrates suisses, j’admets que les choses pourraient être différentes mais nous ne faisons pas d’alliance avec eux. L’ASIN a attiré quelques individus peu recommandables, comme cet Amaudruz dont je sais qu’il a des opinions nazies. Nous l’avons exclu.

 

Mais votre parti est nationaliste. Il attire donc à lui des gens de cette espèce. Voyez l’affiche que vous avez fait placarder dans toute la Suisse…

 

Blocher: On fait une énorme erreur en pensant que ce genre d’affiche fait le lit de l’extrême droite. C’est tout le contraire. L’extrême droite prolifère quand le peuple a l’impression qu’on veut lui cacher quelque chose. Dans le domaine de l’asile, il y a manifestement des abus insupportables. A Zurich, il y a beaucoup de gens qui abusent de leur statut de demandeur d’asile pour se livrer à des actes criminels. Notre affiche ne fait que dénoncer cet état de fait.

 

N’empêche: votre affiche fait l’amalgame entre criminels et réfugiés…

 

Blocher: Mais non. On voit tout de suite que ce personnage est un criminel. D’ailleurs vous ne verrez jamais un requérant d’asile avec des lunettes de soleil.

 

 

Seul contre tous

 

Dans vos discours, vous ramenez tout à la “Selbstverantwortung”, la responsabilité personnelle; qu’entendez-vous par là?

Blocher: Ce que je pense, c’est que les individus sont d’abord responsables d’eux-mêmes et de leur destin. L’Etat ne doit intervenir que dans la mesure où quelqu’un est incapable de subvenir à ses besoins. C’est vrai que cela signifie la fin de l’Etat-Providence.

 

Votre combat anti-européen n’est-il pas d’arrière-garde: à part l’UE, d’autres pays se rassemblent dans de grands ensembles, en Amérique du Nord, du Sud…

 

Blocher: Je ne crois pas qu’il y ait une fatalité dans la constitution de ces grands ensembles. Je suis convaincu que cela ne marche pas: l’UE est trop grande, bureaucratique, par conséquent inefficace. Je ne crois pas non plus aux entreprises géantes, aux mastodontes économiques. Les entreprises chimiques sont devenues si grandes qu’elles doivent maintenant se séparer de certaines de leurs unités. Quand un ensemble est trop grand et trop diversifié, il est ingérable.

 

Avec votre ami Martin Ebner, vous avez tout de même contribué à la fusion d’Algroup…

 

Blocher: Mais là, nous avons créé précisément deux entreprises: Lonza et un grand groupe de production d’aluminium. Bien entendu, cette dernière est énorme, parce que la demande l’est aussi, mais elle n’est pas diversifiée: elle produit exclusivement de l’aluminium. Moi, je ne suis pas favorable aux fusions des grandes entreprises par principe.

 

Vous jugez que la fusion SBS-UBS n’était pas une bonne solution…

 

Blocher: Je ne suis pas sûr que cette fusion-là était très intelligente, ni celle entre Mercedes et Chrysler d’ailleurs. Fusionner pour atteindre une certaine taille, ça n’est pas un motif suffisant de fusion, ou alors seulement pour les managers…

 

Ce que vous appelez l’acharnement de la classe politique à rapprocher la Suisse de l’Europe, comment l’expliquez-vous?

 

Blocher: Pour moi, c’est très simple: il n’est jamais agréable, pour un politicien, de ne pas en être. Participer à des grandes conférences, se faire photographier, se croire important parce qu’on gère le destin de 380 millions de personnes plutôt que de 7 millions de Suisses, voilà le premier motif.

 

Vous ne pouvez pas soutenir que c’est le seul…

 

Blocher: C’est le principal. Pas intellectuellement, évidemment. Mais un politicien pense aussi avec son ventre. Il voyage, il est séduit par l’idée qu’il fait partie de ce grand ensemble. Regardez combien sont allés voir nos quelques soldats au Kosovo. Ils ont reçu davantage de visites en quelques semaines que toute notre armée en une année…

 

Vous n’admettez pas qu’il puisse y avoir un autre motif, idéal, par exemple: construire la paix, la coopération économique, une grande puissance face à celle des Etats-Unis…

 

Blocher: Evidemment, il y a aussi cette croyance en la puissance, la grandeur qui devrait découler de la taille d’un ensemble politique. On a les mêmes croyances dans le monde économique alors que c’est absurde: en politique comme en économie, ces grands ensembles ne marchent tout simplement pas; ils sont ingérables.

 

Vous prétendez qu’il faut attendre cent ans avant de connaître le jugement de l’histoire. Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de vous?

 

Blocher: Dans cent ans, personne ne se souviendra du nom de Christoph Blocher

 

– – –

 

Parmi les faiseurs d’opinion, les politiciens suisses et étrangers, les écrivains ou les artistes, il donne spontanément ses préférences. Décochant, au passage, de sérieux coups de griffe.

La presse

Filippo Leutenegger

Je ne connais pas ses positions politiques. J’ai entendu dire qu’il était très à gauche dans sa jeunesse. Peu importe. Son devoir est de montrer les différentes opinions et il le fait bien. “Arena” est une émission très dure pour un politicien. Tenir une opinion pendant septante minutes, malgré la claque, ce n’est pas évident. Surtout que Leutenegger fait toujours en sorte que personne ne gagne, ce qui parfois m’énerve, parce qu’il faut bien un perdant. Je trouve difficile de participer à “Arena”, même si je suis pour lui le candidat idéal. Et vous savez pourquoi? Parce que j’ai un avis et que je m’y tiens.

 

Jacques Pilet

Même si il est absolument contre moi sur la question européenne, je l’estime beaucoup. C’est un homme intelligent, qui défend ses idées. Mais il est trop idéaliste. Pour lui, l’Europe, c’est le paradis.

 

Frank A. Meyer

Je ne l’aime pas. C’est l’instituteur de la nation.

 

Les créateurs

 

Adolf Muschg

Dommage que ce professeur de littérature n’ait jamais réussi à se libérer de sa famille. Tout ce qu’il écrit est clairement psychoanalytique. Il écrit encore aujourd’hui contre son père, sa famille, son environnement, même dans son dernier livre. C’est pour cette raison aussi que la Suisse lui pèse, elle est une partie de sa maison familiale. Il n’a peut-être pas fait de crise d’adolescence!

 

Pipilotti Rist

Je l’ai déjà rencontrée, c’est une femme originale. Et dans ma bouche, c’est un compliment! Mais je ne sais pas si c’était la bonne personne pour diriger une exposition nationale.

 

Les politiciens

 

Jean-Philippe Maitre

Lui, je ne sais pas quoi en penser puisque je ne sais pas ce qu’il pense…

 

Peter Bodenmann

C’est un homme de conviction qui ne m’a jamais vraiment ménagé. Je ne dirais pas que je l’aime, mais je l’estime. Depuis qu’il est hôtelier, il me manque un peu… Je n’ai plus d’adversaire à ma mesure.

Les politiciens étrangers

Silvio Berlusconi

C’est un homme qui n’a pas de convictions véritables; il est totalement contradictoire.

 

Tony Blair

C’est de lui dont je me sens le plus proche. Il est social-démocrate, mais il fait exactement ce que je demande pour la Suisse: moins d’impôts, plus de marché, plus de responsabilité personnelle.

 

Les femmes

 

Elisabeth Salina-Amorini

A l’image d’Elisabeth Salina, ou d’autres encore, ma femme est une femme d’affaires moderne. Cela ne l’a pas empêchée d’élever quatre enfants. Je suis contre les clichés et je ne suis pas du genre à dire que les femmes au foyer ne sont pas modernes. Le vieux débat entre carrière professionnelle et enfants est dépassé. A chacune de faire son choix.

 

Les entrepreneurs

 

Martin Ebner

J’ai étudié avec lui, c’est un ami, avec qui je travaille beaucoup. En matière de politique financière, il a des idées originales et il sait les imposer. C’est aussi un conservateur, comme d’ailleurs la majorité des bons entrepreneurs. Il cultive les valeurs traditionnelles, tel le travail. C’est aussi un homme modeste, qui ne jette pas l’argent par les fenêtres. Il ne fait pas partie de la jet-set, il ne passe pas ses week-ends à Majorque. Il a beaucoup fait pour l’économie suisse, en secouant les administrateurs, ces pontes habitués à encaisser des jetons de présence. Pour lui, comme pour moi, l’argent n’est pas une motivation. Ce qui compte, c’est l’esprit d’entreprise. Il pense que le capital doit être rentable, pour la bonne et simple raison que l’avenir de beaucoup de gens en dépend. Pensez aux caisses de pension ou à l’AVS.

 

Nicolas Hayek

Je le connais très bien. Il me plaît, j’ai de l’admiration pour lui. Mais il ne peut pas faire une Expo, il peut juste s’assurer que son financement fonctionne.

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