SI L’UDC GAGNE, JE ME RETIRERAI

Le Matin, 03.02.2011
Interview: Viviane Menétrey et Simon Koch

On ne vous voit pas souvent en Suisse romande. Qu’êtes-vous venu faire ? Donner un cours de communication à vos troupes ?
J’ai été invité par la section UDC de Lausanne. 2011 est une année électorale et étant stratège du parti, je suis sollicité par les sections cantonales pour expliquer la politique de l’UDC. Pour les élections, mais aussi pour les années futures.

Le thème qui est à l’ordre du jour est la politique urbaine. Vous êtes là pour expliquer à l’UDC comment conquérir les grandes villes qui sont majoritairement à gauche ?
Oui, car je regrette que dans beaucoup de grandes villes, on trouve une majorité socialiste et verte. Zurich, Lausanne ou Genève sont lourdement endettées et dépensent trop. Au final, leur développement s’en trouve ralenti.

Et quelle est votre recette pour convaincre les citadins de voter UDC ?
Il faut responsabiliser les citoyens et arrêter de dépenser en pensant que l’Etat est là pour cela! Voilà ce que je suis venu expliquer. Evidemment, les politiciens en place n’aiment pas faire ce travail car il ne les rend pas très populaires.

L’UDC des villes va donc laisser tomber le discours de politique sécuritaire et migratoire pour ne parler que de politique financière ?
Non! La politique migratoire des villes n’est pas bonne non plus. Nous ne sommes pas contre les étrangers, mais il y a un problème de laisser-aller dans les villes. On y trouve beaucoup plus de migrants, comme à  Genève, où c’est un problème pour la sécurité. Il faut agir.

Comment comptez-vous vous y prendre ?
C’est simple : il faut lutter contre tous les criminels, pas seulement contre ceux qui viennent de l’étranger mais aussi contre ceux qui sont Suisses. La police et les gardes-frontières doivent avoir les moyens de mener une véritable politique de sécurité. Bien sûr, nous avons un plus grand pourcentage de criminels étrangers: les chiffres sont clairs. La libre-circulation des personnes et les Accords de Schengen, avec l’ouverture des frontières, en sont les causes. Ce sont là les vrais soucis de la population.

Mais ces villes comptent déjà une forte proportion d’étranger, comme vous le dites, et pourtant, les citoyens votent à gauche.
C’est vrai, mais avec une politique de gauche, il n’y a pas d’espoir de succès dans le futur. Voilà ce que les citadins doivent comprendre. Ils paieront davantage  d’impôts dans une ville toujours plus endettée, sans que les problèmes de logements et de sécurité liés à l’immigration soient résolus. De manière générale une politique d’accueil trop généreuse n’est pas favorable à la Suisse. On a ouvert les frontières sans se soucier des conséquences pour le logement et les transports. Il n’y a plus assez de place!

C’est donc dans les villes et Suisse romande que vous comptez progresser pour atteindre en octobre les 30% que vous prédit le dernier sondage de la SSR ?
Oh, les sondages! Atteindre les 30% montrerait en tout cas notre influence. Cela effraie les autres partis, qui ont peur de perdre des voix. Vous savez, les politiciens sont comme ça : ils aiment gagner.

Mais vous aussi vous aimez gagner!
Non, non, pas moi. Je ne suis pas un bon politicien. Je lutte pour des convictions sans faire de compromis. Et tant mieux si nous récoltons beaucoup de voix.

Ne nous faites pas croire que vous faites de la politique pour perdre.
Je ne veux pas gagner pour gagner, mais pour changer la politique en Suisse. Ce qui compte, ce sont les convictions et les principes.

Et en Suisse romande, à combien estimez-vous votre potentiel de croissance ?
Notre progression n’est pas aussi rapide qu’en Suisse alémanique car notre parti est encore jeune. Nous n’avons pas encore de grandes personnalités connues  pour tirer les listes. L’UDC romande est comme le vin neuf: il y a des querelles de jeunesse! C’est arrivé à Genève, mais c’est normal.  Et vous savez, pour un Suisse allemand, les Suisses romands sont plus à gauche. Ils aiment mieux l’Etat que nous! Je ne sais pas pourquoi, c’est une mentalité. Mais si  dans les campagnes il n’est plus possible de progresser, il reste de la marge dans les grandes agglomérations, c’est certain.

 

2011 est une année électorale, comment voyez-vous la campagne de l’UDC? Vous nous mijotez une initiative?
C’est une surprise! Nos juristes travaillent sur plusieurs projets. Pour la campagne, nos thèmes sont clairs. Nous nous battrons sur le front de la politique des étrangers, de l’école, de la criminalité et des assurances sociales. Notre slogan «Les Suisses votent UDC», n’est pas une phrase vide de sens. Il est la conclusion logique de notre réflexion sur ces sujets.

Le budget de campagne des autres partis oscille en 1 million et 3 millions de francs. Pour l’UDC, on parle de 15 millions. Vous confirmez?

Nous serions très heureux que quelqu’un nous apporte ces 15 millions. (rires). Plus sérieusement, nous avons un budget de départ de 2 à 3 millions de francs. Ensuite, nous sollicitons les personnes qui soutiennent au coup par coup, en fonction de nos plans. Par exemple pour une campagne d’affichage. A eux de décider combien ils veulent nous donner. Moi-même je n’ai jamais donné d’argent directement au parti. Par contre, pour des campagnes, oui.

Et vous êtes prêts à donner combien?
C’est mon secret. Je suis un protestant et je n’en parle pas. Si les autres partis veulent qu’on publie ces informations, ça ne sera pas une catastrophe. Mais nous sommes contre, car cette transparence compliquera la collecte d’argent. Les entrepreneurs notamment préfèrent que leurs dons ne soient pas rendus publics pour éviter d’éventuelles tensions avec leurs clients.

Avec l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels, votre parti s’est attiré la sympathie des partis d’extrême droite européenne. L’UDC se radicalise?
Nous sommes un parti de droite, pas d’extrême droite. Ces organisations européennes n’ont qu’un thème: les étrangers. Or, l’UDC a bien d’autres thèmes. Mais si notre initiative leur plaît, qu’ils s’en inspirent.

Marine Le Pen ne tarit pas d’éloges envers Oskar Freysinger. Cela ne vous gêne pas?

Nous ne voulons pas être moralisateurs. On peut parler avec tout le monde, mais cela ne veut pas dire que l’on se rapproche d’eux pour autant. Il faut par exemple être attentif aux invitations que nous recevons de ces partis. Nous ne voulons pas servir de caution démocratique à des organisations que l’on ne connaît pas bien.

Vous avez 70 ans. N’êtes-vous pas trop vieux pour être candidat au Conseil national ou au Conseil des Etats?
Je prendrai ma décision en avril, après les élections cantonales zurichoises. J’ai 70 ans, c’est vrai, mais j’ai l’impression d’avoir la force de tenir encore 4 ans et je ne manque pas de tempérament. Aujourd’hui, quand je parle avec des politiciens de la nouvelles génération, je trouve que le plus jeune, c’est moi (rires).

Vous avez été conseiller fédéral tout de même. Franchement, retourner au Conseil national serait une régression, non ?
Il n’est jamais agréable de se retrouver à la case départ, mais le parlement a aussi ses bons côtés. Aujourd’hui, j’ai plus d’influence que par le passé. Je suis libre de dire ce que je veux. Au Conseil fédéral je ne pouvais pas donner mon avis.

Par exemple?
Sur la Banque nationale! Les milieux économiques trouvent sa politique monétaire dangereuse, mais ils ne le disent pas. Moi si, je suis indépendant. Si j’avais été au Conseil fédéral, j’aurais pu en parler au Collège, mais mes critiques n’auraient pas été relayées. Je suis pour l’indépendance de la BNS, mais ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent. A la place de Philippe Hildebrand, le directeur de la BNS, je démissionnerais. Ses spéculations sont responsables de la perte de 21 milliards de francs. C’est la même perte que l’UBS, et ses patrons de l’époque ont laissé leur place. Hildebrand pensait pouvoir sauver l’Euro. Quelle illusion! Et le FMI, qui veut stabiliser les pays d’Europe, se trompe également. Quelqu’un doit le dire.

Vous ne vous dites jamais « Christoph, laisse la place aux autres»?
Pour l’instant, il ne me semble pas que je vole la place de quelqu’un d’autre. L’UDC a besoin de toutes les personnes qui luttent pour la liberté. J’arrêterai lorsque je n’en pourrai plus, ou peut-être après les élections, si l’UDC gagne, je me retirerai. Si nous perdons, je devrai rester encore longtemps. Voilà une raison pour la gauche de voter UDC en 2011 (rires)!

En fonction des scores de l’élection, l’UDC va viser un deuxième siège au Conseil fédéral? A quand un ministre UDC romand?
Nous sommes le plus grand parti de Suisse. Un représentant alémanique et un Romand seraient une bonne chose. Jean-François Rime a la stature et les capacités pour devenir conseiller fédéral.

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