Il faut parfois savoir faire un mauvais choix pour éviter le pire

Le Matin, 21.05.2010
Interview: M. Muhieddine

L’UDC risque de retourner sa veste sur l’accord UBS et c’est vous qui l’aurez poussé au crime!
L’UDC ne retourne pas sa veste. Le parti a toujours dit que cet accord avec les Etats-Unis pour livrer 4500 de clients UBS est illégal. Misérable. Il est contre le droit suisse et notre constitution. Le tribunal fédéral l’a d’ailleurs confirmé. Et je suis toujours totalement opposé à cet accord.

Ca fait six mois que l’UDC hurle contre cet accord et vous allez demander cet après-midi (ndlr hier) au groupe parlementaire de voter pour ce contrat lors de la prochaine session… Ce n’est pas un changement de direction à 180 degré, ça?
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus choisir qu’entre la peste et le choléra. Le conseil fédéral a d’abord commis la faute de mal négocier cet accord. Et maintenant, il tremble devant le PS et accepte contre un vote favorable de taxer davantage les entreprises. En plus, nous n’avons aucune garantie que le Conseil fédéral ne recommencera pas à signer de tels accords.

Que proposez-vous alors?
D’accepter ce contrat misérable mais seulement  à deux conditions. D’abord, que les bêtises de l’augmentation de la taxe du PS soient oubliées. Ensuite, que le conseil fédéral ne puisse plus signer d’accord avec un état étranger sans avoir, au préalable, consulter le parlement. Il faut enlever les exceptions de la loi actuelle.

Que devient la promesse de l’UDC d’inscrire le secret bancaire dans la Constitution et de n’accepter aucune exception?
Elle tient toujours. Mais dans la vie, il faut parfois savoir faire un mauvais choix pour éviter le pire.

Vous pouvez bomber le torse. Mais au fond, vous faites comme le Conseil fédéral, vous pliez devant le PS.
Si vous voulez. Mais qui décide maintenant? Ce n’est plus le parti socialiste. Ce sont les libéraux-radicaux et le PDC. Nous avons renvoyé la balle au centre.

Au final, l’accord UBS sera de toute façon voté par le parlement. Que ce soit avec vos conditions ou celle du PS. Vous deviez être drôlement furieux contre la gauche pour en arriver à renier vos propres valeurs à ce point.
Je ne suis pas furieux contre le PS. C’est le jeu politique. La faute incombe au Conseil fédéral. Je n’aurais jamais pensé qu’il allait céder à leur chantage. Il l’a fait et aujourd’hui nous devons réagir. Il est vrai que nous ne réussirons probablement pas à faire refuser l’accord, mais le combat aura lieu sur les mesures qui l’accompagneront.

Et pensez-vous avoir vos chances? Avez-vous consulté les autres partis?
Oui, nous avons pris contact avec eux.

Avouez que votre manœuvre politique n’a qu’un but: couper l’herbe sous les pieds des socialistes.
Si nous gagnons au parlement, je ne vous cache pas que ca me plairait d’avoir contrecarré les socialistes. Mais ce n’est pas un jeu. C’est simplement la meilleure solution pour la Suisse.  L’UDC ne fait qu’appliquer son programme: nous avons promis à nos électeurs de diminuer les taxes.

Alors quoi, vous ne voulez qu’une chose : permettre à vos amis banquiers de continuer à toucher leur bonus?
Les banquiers ne sont ni mes amis ni mes ennemis. Ces dernières années, j’ai toujours dénoncé leurs dérapages. Je suis pour une économie suisse florissante.

Sincèrement Monsieur Blocher, 2 millions de bonus, vous ne trouvez pas ça indécent?
Ce n’est pas à moi de le dire. C’est au propriétaires de chaque entreprise de le décider.

Vous êtes l’un des entrepreneurs suisses qui a le mieux réussi. On vous dit l’un des hommes les plus riches du pays…Vous êtes-vous déjà versé des bonus de 2 millions?
Non. Même lorsque j’étais majoritaire dans les parts de mes sociétés, mon salaire le plus haut a été de 300 000 francs.

Alors qui mérite de toucher 2 millions pour un travail? Pourquoi ne soutenez-vous pas la proposition du PS?
Parce que le principe est faut. L’état ne peut pas régler les salaires. Les socialistes veulent faire payer les bonus à l’entreprise et non à la personne qui touche le bonus. Ca ne va pas. Et puis, si on laisse réglementer l’état, je suis sûr qu’après les banques et les assurances, ils voudront s’attaquer au salaire des patrons de PME.

Donc, pour vous, il ne faut pas limiter les salaires?
Non. Comment un politicien pourrait savoir quel limite il faut fixer? Quelqu’un est-il choqué que Roger Federer touche des millions? Non, simplement parce qu’il a succès et qu’il gagne. C’est la même chose pour un manager. S’il permet à son entreprise de faire du bénéfice, il doit être payé. C’est pourquoi l’UDC propose que l’argent des bonus soit placé sur un compte bloqué pendant 5 à 10 ans. Si durant cette période, l’entreprise fait des bénéfices, les managers touchent leur bonus, sinon, ils doivent les rendre.

A vous écouter, Marcel Ospel doit rembourser ses bonus…
Non, puisque le droit actuel ne le permet pas. Mais s’il était sous un régime comme nous le proposons. Oui, il aurait dû rembourser.

Encadré:

Que pensez-vous de l’alliance du centre entre PLR, PBD et PDC? Ca vous fait peur?
C’est une réaction de partis qui perdent. C’est comme les entreprises : quand elles perdent de l’argent, elles cherchent toujours une autre cause perdue. S’ils veulent essayer de mélanger leur électorat, c’est leur problème.

Croyez-vous qu’ils iront jusqu’au bout ?
Non. Il y a trop de différences entre ces trois partis, ca posera très vite des problèmes.

Est-ce qu’une telle alliance rapporterait des voix à l’UDC?
Evidemment. Une alliance anti-UDC ne peut que nous avantager. Mais ce n’est pas bien pour le pays. Il serait préférable que l’UDC puisse compter sur ses partenaires libéraux et conservateurs.

Combien pensez-vous que l’UDC fera en 2011?
On verra. Attendons d’y être. Mais je suis sûr que ce sera plus que 30%.

Et vous allez vous représenter au Conseil fédéral?
Non puisqu’on ne veut pas de moi. Et de toute façon, je me rends compte que j’ai beaucoup plus d’influence dans en dehors du gouvernement.

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